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La Disparition de l'homme

de Olivier Sylvestre


La Disparition de l'homme : Extrait 1

Extrait proposé par A mots découverts

La seconde d’avant. L’appartement du Jeune homme.


LE JEUNE HOMME


Je suis le Jeune homme.


Je suis là,


Couché, à côté de toi, dans mon lit.


Ta peau, tes muscles, tes poils,


Tes yeux, qui vrillent en dessous de tes paupières.


Tu respires vite : tu rêves sûrement à ce que tu rêves tout le temps


Juste avant de te réveiller dans un cri.


C’est notre dernier soir.



L’Homme hurle.



L’HOMME


Je suis l’Homme.


Je me réveille comme ça, en sursaut.


Au beau milieu de la nuit.


J’ai dormi, pas longtemps, une seconde,


Effondré mort.


Assez pour faire un rêve.


Pis mon rêve – m’a dit quoi faire.



LE JEUNE HOMME


C’est maintenant que tu vas t’en aller, hein?



L’HOMME


Je me lève, je suis debout,


Les pieds sur le plancher froid,


De ton appartement,


Où on a fait l’amour, ensemble,


Du haut du troisième étage,


Depuis le début.


Oui, faut, faut que j’y aille.


Maintenant.


LE JEUNE HOMME


Viens, reviens te coucher avec moi.


Y a rien d’autre qui compte – tu t’en rappelle pas?



L’HOMME


Sors de l’appartement, que je me dis.


Maintenant.



LE JEUNE HOMME


Tu vas pas t’en aller – comme ça.



L'HOMME


Faut que je le retrouve.



Un temps.



LE JEUNE HOMME


Qui ça?



L'HOMME


Le supermarché.



Un temps.



LE JEUNE HOMME


Le supermarché?


T’haïs ça, le supermarché.


C’est l’endroit que t’haïs le plus au monde.


L'HOMME


Oui, c’est ça, oui.



LE JEUNE HOMME


C’est la nuit, le supermarché est pas ouvert la nuit!



L’HOMME


Je prends n’importe quelle veste,


La tienne, trop grande pour moi,


Avec l’odeur de ton parfum.


Mes vêtements, tes vêtements :


Ça s’est mélangé avec le temps.


Tout autour, nos restants : linge sale, déchets, débris.



LE JEUNE HOMME


Je te vois, avec ma veste sur le dos,


Pieds nus, comme au jour de ta naissance,


Qui s’enfargent même pas jusque sur le palier.


Ok, le supermarché, ok, si tu le dis. Je viens avec toi.



L'HOMME


Tu restes ici.


LE JEUNE HOMME


T’es pas en état, pas en état de sortir, tout seul, cette nuit.



L'HOMME


Au contraire, je suis dans le meilleur état.


C’est plus possible, non, plus possible, de rester.



LE JEUNE HOMME


Je vais aller chercher la bouteille.



L’HOMME


Je peux plus boire, j’ai déjà trop bu.



LE JEUNE HOMME


Dis-moi plutôt que tu t’en retournes là-bas,


Où t’étais avant que je te connaisse,


Mais dis-moi pas que tu t’en vas au supermarché en pleine nuit.



L'HOMME


Je passe la porte de chez nous, de chez – toi.


LE JEUNE HOMME


J’ai la bouche tellement sèche.



L'HOMME


Je descends les marches trois par trois. Je suis dans l’entrée du bloc, devant la porte.



LE JEUNE HOMME


J’essaye de pas m’arracher les yeux.



L'HOMME


Ma main sur la poignée de la porte d’entrée.



LE JEUNE HOMME


Dans une seconde, c’est terminé.



L'HOMME


Je tourne la poignée, je suis dehors.



D’un coup, soudainement, la noirceur absolue. Comme au fin fond d’une forêt ou dans le trou infini d’un puits. C’est quelque chose de tellement fort, de tellement violent. Qui éteint tout sur son passage, les lumières, les bruits, les idées, les espoirs. Ça ne pardonne pas. Et pourtant ça se produit en une seconde. Trop vite pour que l’œil ou l’oreille puisse le saisir. Il n’y a plus, on dirait, de retour en arrière possible.


Un long temps.


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