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Couverture de Par les villages

Par les villages

de Peter Handke

Texte original : Über die Dörfer traduit par Georges-Arthur Goldschmidt


Pages 11 et 12


GREGOR Mon frère m’a écrit une lettre. Il s’agit d’argent ; de plus que d’argent : de la maison de nos parents morts, et du bout de terre où elle se trouve. Comme aîné, j’en suis l’héritier. Mon frère y habite avec sa famille. Il me demande de renoncer à la maison et au terrain, pour que notre sœur puisse se rendre indépendante et ouvrir une boutique. Ma sœur est employée dans un grand magasin ; mon frère a appris un métier, mais depuis longtemps il ne travaille plus que sur de gros chantiers, très loin de la maison et du village, il fait des tas de choses sans rapport avec son premier métier. – C’est une longue histoire ; je ne me rappelle aucun moment de véritable amour pour mon frère et ma sœur, mais beaucoup d’heures de peur et d’angoisse à leur sujet (…) On était souvent en désaccord, mais ce qui réconciliait, c’était chaque fois cette pensée : « On est quand même tous là ! »



Page 17


GREGOR Je vois l’œuvre – oui, l’œuvre – de nos parents disparaître. Sur la moindre maison ouvrière, dans le village le plus reculé, je vois briller des panonceaux de commerces ou de banques, et dans le paysage, chaque maison est devenue un magasin et devant les magasins, il n’y a plus de contrée nulle part. Je ne vois plus de chemins vides ni d’accès à la plaine. Je vois mon irresponsabilité et ma trahison. Je sais que je ne peux rien faire pour mes frère et sœur, pour personne. Je ne peux que maintenir.



Page 45


TOUS Quand les lumières de la ville ne seront-elles plus le reflet glacé des vitrines mais signes de voisinage ?



Page 70


SOPHIE Est-ce que je n’ai pas eu de l’inclination pour moi un jour ? Quand venaient crainte et tremblement, n’allais-je pas devant le miroir et me rassurais moi-même comme si j’étais mon amie? Seule au lit, seule dans la pièce, seule dans le froid, est-ce que je ne me recroquevillais pas à l’intérieur de cette caverne chaude que j’étais, moi ?



Pages 76 et 77


SOPHIE On n’a pas le droit de parler comme tu parles. Va-t’en d’ici, pour toujours.


GREGOR Ca m’a fait mal de dire ce que j’ai dit.


SOPHIE Moi, ça me fait mal de dire que ta place n’est plus ici.


GREGOR Cette place nous l’avons tous dilapidée.


SOPHIE Au village ou dans la vallée personne ne parle comme tu parles, si ce n’est le méchant.


GREGOR Le méchant à la gorge nouée ? Le méchant aux bras lourds ? Le méchant à la douleur ici ? (Il se montre lui-même)


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