Une rêverie dans la chambre obscure de la création où, comme sur le papier photographique, des personnages se révèlent. Absents jusque là, ils vibrent, ils apparaissent, existent avant de s'évanouir. Ceux qui arpentent ce rêve, ce pourraient être le grand metteur en scène suédois Ingmar Bergman, son ami acteur avec lequel il a signé un pacte faustien, sa dernière femme, pianiste, dont il n'a jamais fait le deuil, sa fille, sa cuisinière (le monstre sacré est un ogre, gourmand, éternel affamé). Mais ce ne sont plus tout à fait ces gens-là. Ils ne sont plus que les spectres du souvenir d'un temps passé. Ils hantent un théâtre de la mémoire fait d'ombres, de déchirements, de joies anciennes, de cris et de chuchotements. On ne distingue plus très bien le vrai du faux dans ce chemin vers la sérénité d'un créateur génial proche de sa fin. Ce qui était caché se dévoile, le temps est suspendu, des sons évoquent une vie invisible, un bruissement de naissances, la sarabande étourdissante de la vie aux portes de la mort.