Perdue quelque part en Europe, alors que le monde autour d’eux est en train de changer inexorablement et que la Guerre menace de tout ravager, une petite troupe familiale itinérante tente de subsister tant bien que mal, traînant de ville en ville, de théâtre en salle des fêtes (quand elle ne doit pas se contenter de l’arrière-salle d’un café…), ses spectacles fatigués, de plus en plus décalés par rapport aux goûts et aux attentes du public dit « provincial »… A bout de force, les parents cherchent à transmettre leur entreprise à la jeune génération. Mais leur fils aîné, Karl, éternel adolescent en révolte, refuse de reprendre le flambeau. Aussi leur faudra-t-il se rabattre sur le « jeune premier », Raban, et le marier à Joséphine, leur cadette, pour assurer la relève…

Ce soir-là, après une représentation une fois de plus ratée, on improvise donc à même les coulisses du théâtre un repas de fiançailles. Mais, à l’heure où ces deux jeunes gens vont s’engager pour l’éternité (sans savoir d’ailleurs vraiment pourquoi), chaque membre de la troupe est renvoyé secrètement à sa propre question : Et moi, que fais-je de ma vie ? Dois-je rester ici, dans cette troupe de troisième zone, et me contenter de la médiocrité ambiante mais, au fond, pas si inconfortable que ça, ou dois-je partir, tout quitter pour inventer ailleurs une autre vie, plus intense, plus flamboyante et plus conforme à mes rêves - mais avec le risque de tout perdre et de ne rien réussir ?…

Indécis, inquiets, partagés entre le désir et la peur, le courage et la mauvaise foi, les personnages de Lagarce vont tout faire pour éviter de se regarder en face, quitte à tricher avec les autres et d’abord avec eux-même, quitte à jouer un rôle : acteurs dans la vie comme sur la scène ! Mais le réel est cruel, et il faudra bien, tôt ou tard, tomber les masques !… Ainsi, petit à petit et l’air de rien, cette petite troupe théâtrale minable mais si touchante devient, le temps d’une soirée, l’espace de quelques fragments de vie, une métaphore de notre dérisoire mais si grandiose humanité…