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Vers toi terre promise

mise en scène Charles Tordjman

: Je ne peux que rêver de paix...

par Charles Tordjman

Mes voyages en Israël ont d’abord été imaginaires.
Le premier est celui de cet oncle qui me raconte avoir été à pied du Maroc en Israël. Je l’ai cru. En me racontant cette histoire, (je dois avoir sept ou huit ans) il exhibe un tambour qu’il a fabriqué lui-même avec la peau d’un mouton qu’il aurait ramenée de là-bas. La scène se passe au Maroc sur la terrasse de la maison où j’habite. Allez savoir pourquoi Israël ressemble alors pour moi au Maroc.

Second voyage j’ai onze ou douze ans, mon père lit le soir de la Pâque juive (Pessa’h) un long texte qui raconte la sortie d’Egypte. Il lit cela en hébreu et cela me semble durer toute la nuit. J’aime lire sans comprendre même si bien sûr j’accompagne ma lecture de la traduction française. Le voyage de Moïse dans le désert dure quarante ans. Du ciel Dieu envoie la Manne, une nourriture au goût de miel. Le pays vers lequel lui et son peuple se dirigent est celui du lait et du miel. Comment ne pas rêver de ce pays ?

Troisième voyage toujours aussi imaginaire, c’est celui que je fais bien plus tard dans les années soixante. En France, je rêve de Kibboutz, de ces endroits où l’argent n’existe pas, où tout est partagé, où tout est collectif. L’égoïsme disparu il reste l’humanité en partage. C’est un pays où les hommes ne portent pas de cravates, et font pousser de l’herbe verte dans les déserts.

Quatrième voyage. C’est en 1967 ; la guerre des six jours. J’ai maintenant là-bas de la famille ; mes grands-parents et des oncles et tantes et des cousins. Ils sont militaires ou civils. Ils me disent qu’Israël est mon pays. J’hésite à le croire. Et pourtant je me vois les armes à la main vouloir mener un combat passionnel. Je n’irai toujours pas, ce combat restera imaginaire.

Je ferai plus tard de vrais voyages pour aller y voir ma soeur, ma famille. Tout est très compliqué. Je ne veux ni accuser, ni dénoncer. Bien sûr je ne peux que rêver de paix.

A Naplouse je vais au marché pour acheter du pain. Je retrouve mon arabe du Maroc. On me répond en anglais. Je veux aller sur le tombeau présumé de Moïse. Impossible.
A la Mer Morte je découvre une plage pour les israéliens et une autre pour les palestiniens.
A Jéricho un enfant palestinien avec qui je visite une très ancienne synagogue. Il veut m’échanger un oiseau contre un stylo.
Et bien sûr on rêve alors de paix et on se dit que la vie doit être bien difficile ici.

Plus tard, je reviendrai pour y voir le théâtre qui se fait ici. Je découvre une incroyable liberté de ton, une critique parfois très violente des positions et choix du gouvernement.
C’est pendant un de ces voyages que je lis un texte de Jean-Claude Grumberg (merci à Paul qui anime la Fondation Beaumarchais de me l’avoir mis sous les yeux et de m’avoir fait rencontrer Jean-Claude)
Le texte Vers toi terre promise – tragédie dentaire me touche énormément.
Le titre m’inquiète un peu. Mais tragédie dentaire, le sous-titre me rassure.
Un couple à la sortie de shoah « perd » ses deux filles, l’une à Auschwitz, l’autre devenue carmélite. Le couple perd son cabinet dentaire réquisitionné par un bon Français. Le couple est laïc et pourtant le voilà prêt après bien des déceptions et bien des rages à vouloir quitter la France pour aller – pourquoi pas ? – en Israël. Sans grande envie ils quitteront leur impossibilité à vivre en France leurs deuils pour la terre promise.
Que vont-ils trouver là-bas ? Le lait et le miel ?
On entendra surtout le mélange complexe de ce chant chrétien Vers toi terre promise chanté par des carmélites qui croise un chant « hassidique juif » auquel se mêle de plus en plus fort le chant du Muezin.
Où est-on chez soi ? où est-ce chez soi vraiment ?
Vraiment rien n’est simple...

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