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Vénus vocero

mise en scène Gisèle Sallin

: Aujourd’hui, ma matière, ce sont les mots

Entretien avec Nadège Reveillon

Pourquoi ce thème, une Vénus sans bras ?


Nadège Reveillon : Le hasard, ma timidité pendant mes cours de chant, mes mains toujours dans mes poches et ma professeure qui les voulait en dehors... J’étais empruntée... Je lui ai dit que je devrais me les couper et, dix minutes après, que ce serait un bon sujet pour une pièce. Ce qui m’a tout de suite plu, c’était d’avoir trouvé une nouvelle histoire de corps (thème déjà présent dans mon écriture). Je questionnais surtout l’art et le dépassement de soi dans le processus de création. J’ai alors joué le jeu en testant mon personnage, sans me donner de limites, pour voir jusqu’où il irait dans sa relation à son corps, à sa voix et à son art. J’avais envie de questionner toutes ces transformations que l’on fait subir à notre corps. J’ai imaginé une chirurgie fonctionnelle du corps, qui dépasserait celle de la chirurgie esthétique. Mon personnage « s’est sublimé à lui-même » pour ne devenir plus qu’une voix. Toutes ces thématiques (contemporaines) m’ont amené petit à petit devant la problématique passionnante de la construction d’un mythe dans l’œuvre dramatique.


Les chœurs sont rares voire inexistants dans l’écriture contemporaine…


N. R. : Vénus est écrite comme une partition musicale pour quatre voix de femmes. Les chœurs se sont ainsi imposés à moi comme une évidence, tout comme les solos, les réponses et les échappées... J’avais besoin de cette pensée collective que représente le chœur, Vénus n’est-elle pas la plus grande voix au monde? Et puis, je me suis inspirée et imprégnée de la force narrative et expressive du flamenco. J’aime ces cultures musicales où le chœur, en général composé des membres d’une famille, accompagne le génie de la lignée. Il ne faut pas oublier que Vénus vocero est un chant funèbre, avec son rituel. Que les voceratrices ne sont pas des personnages, mais des musiciennes à part entière qui viennent improviser l’éloge de la défunte. Le personnage vivant sur scène, c’est le texte, qui évolue sous nos yeux. Pour le rendre vivant, je n’avais qu’une seule matière: le rythme et ses effets sonores...


Vous êtes diplômée en arts plastiques. Est-ce que cela influence votre façon d’écrire ? Ou est-ce deux mondes différents ?


N. R. : Disons que, dès le départ, je me suis trompée de voie! A mon concours d’entrée aux beaux-arts, je n’ai parlé que de théâtre... Cela dit, Vénus vient inévitablement du monde des arts plastiques. Petit à petit son portrait se dessine devant nous, facette par facette. Je pense que c’est le même travail qu’un peintre devant sa toile. Et puis, Vénus sculpte son corps pour en faire l’instrument parfait, tout comme l’artiste Orlan utilise la chirurgie esthétique pour se faire le visage de Mona Lisa... Curieusement mon expérience des performances et des installations ne m’aide pas à investir la dimension de la scène. Aujourd’hui, ma matière, ce sont les mots, je ne me projette ni sur scène ni dans le jeu scénique, et pourtant je sais que mes textes sont écrits pour le théâtre.


Vous avez été choisie pour participer à l’atelier d’écriture Textes-en-Scènes, lancé par la SSA (Société suisse des auteurs). Qu’est-ce que cette expérience vous a apporté ?


N. R. : Cette résidence a été l’étape essentielle dans l’évolution de mon écriture. Il y a un moment donné où l’intuition ne suffit plus. J’avais besoin d’entendre concrètement ce qu’est le théâtre et Enzo Cormann (n.d.r.l. : dramaturge responsable de l’atelier) a été d’une justesse très précieuse. Cette expérience m’a tout d’abord déstabilisée car elle m’a fait découvrir l’immensité des possibilités théâtrales. Mais elle a aussi inévitablement renforcé mon amour et mon exigence pour la langue française. Et surtout mon besoin d’explorer et de jouer avec cette langue a été décuplé!


La pièce Vénus vocero a été mise en lecture au Théâtre Saint-Gervais, mais n’a pas encore été jouée. Quel effet cela vous fait que votre texte soit porté à la scène ?


N. R. : J’avoue que tout cela est encore un peu irréel... mais la joie et le stress me rappellent à l’ordre! Texte-en-Scènes est une expérience unique qui, comme son nom l’indique, accompagne les auteurs jusqu’à la mise en scène de leur texte. Pour l’instant, j’ai envie de savourer cette dernière étape et de profiter de toute l’expérience de Gisèle Sallin. Je me sens enfin prête à affronter cette scène qui, je suis sûre, va m’ouvrir à d’autres perspectives théâtrales.

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