: Notes de travail
Dans la série Dispositifs, des structures
spatiales ou lumineuses sont au
départ des projets. Ces pièces
portent une attention tout autant à l’image
qu’au mouvement et à la narration. Elles
se veulent en cela à la frontière des arts
visuels et de la danse.
Le dispositif de Vacuum, qui s’est élaboré
progressivement, occupe un espace très restreint
: deux néons de 1,2 m flottent hors du
sol, l’un au-dessus de l’autre, à l’horizontale.
Les deux tubes sont orientés vers le public,
générant un aveuglement partiel, rendant
l’espace abstrait et créant entre eux deux un
trou noir. Ce dispositif offre un procédé où les
corps peuvent apparaître et être avalés par le
noir. Cette astuce pourrait faire penser à un
tour de magie, mais le traitement en est ici
tout autre.
INSTALLATION CHORÉGRAPHIQUE
Un cadre étant très littéralement donné
par les lumières, le regard du spectateur se
retrouve d’office focalisé sur un tableau en
constante recomposition. Le jeu de la lumière
sur la peau revêt une grande importance, et
fonctionne ici comme un pinceau qui révèle
ce qu’il touche : les ombres des muscles et
des os, ainsi dessinés, rendent la toile mouvante.
Aussi, la qualité de lumière spécifique
au néon, quand elle affleure les corps, permet
toute une gamme de grains et de gris.
Cela a été un des axes de recherche
du mouvement que d’arriver à générer un
trouble : qu’on en vienne à pouvoir douter
de qui bouge, des corps ou de la lumière.
Le procédé nécessite un travail d’une grande
précision sur les images, le mouvement et le
rythme de ces images. Lors des apparitions
et des disparitions successives, la finesse de
l’émergence de l’image permet d’évoquer
le passage d’une perception voilée à une
mise au point vers la netteté, la transition
de l’image au bas-relief, puis à la sculpture
quand le jeu sur la profondeur s’affirme.
À travers ce procédé d’apparence très
simple, et sans l’avoir cherché de prime
abord, c’est toute une histoire de l’art qui défile
: des lumières sur les corps des peintres de
la Renaissance, aux procédés de développement
photographique, des personnages penchés
des voûtes des églises italiennes à l’abstraction
des corps de Brancusi, du sfumato à
l’hologramme. Une forme de lyrisme émane
de la pièce, sans qu’il soit prémédité.
La fragmentation des corps, l’incongruité
des postures et du mouvement, leur
invraisemblance, voire même parfois leur
monstruosité, autant de lectures abstraites
du corps qui se construisent sous nos yeux.
Et dialoguent avec ce qu’on ne peut pas
imaginer de plus concret : notre propre corps
de regardant.
La nudité des corps a rarement été autant
revêtue qu’elle l’est par la lumière, elle n’a ici
rien de choquant, et ne cherche rien d’autre
que se jouer plastiquement et glorieusement
du néant.
Comme les dispositifs précédents de cette
série, c’est l’exploration en situation réelle qui
détermine concrètement le contenu, les choix
qui se font, et la narration – dans un sens très
ouvert – qui peut s’en dégager.
Je travaille à nouveau avec les deux interprètes
de NEONS, Philippe Chosson et Pep
Garrigues, avec qui nous avons développé
une belle complicité artistique. Ils ont de
surcroît l’avantage d’avoir des physiques
assez similaires, et des corps qui peuvent se
confondre aisément, ce qui offre des possibilités
riches de trouble.
Philippe Saire
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