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: Note d'intention

Par Pierre Maillet

Refaire « Théorème » aujourd’hui.


Partir de ce roman - informe comme le définit Pasolini, en tout cas inclassable - écrit en parallèle au tournage du classique cinématographique que l’on connait. Avec pour boucler la boucle : le projet d’une pièce de théâtre en vers qui ne verra finalement pas le jour…


Pourquoi refaire « Théorème » aujourd’hui ? Justement parce que c’est un classique qui a certes profondément marqué son temps en 1968, mais dont les thématiques et les aboutissements connus (film et roman) ne rendent que plus excitante l’idée originelle avortée (le théâtre).


Parce que c’est une oeuvre qui comme tous les grands textes traite de la condition humaine et de ce qui la constitue : le désir, la foi, la liberté. Parce que cinquante ans plus tard, alors que les sirènes du nationalisme et des extrêmismes de tous bords se font réentendre, le « conte philosophico-érotique » de Pasolini me semble toujours aussi pertinent, voire peut-être plus.


Parce que comme Fassbinder avec l’Allemagne des années 70, Pasolini parlait de l’Italie des années 60 mais qu’un grand artiste n’est jamais aussi universel et indémodable que lorsqu’il parle de sa réalité personnelle, intrinsèquement liée à celle qui l’entoure. Pour moi le véritable point de départ de cette création.


Pasolini, l’homme.


Avec sa douceur, sa sensibilité, son intelligence, sa poésie. Sa tristesse aussi, pudique. Il suffit de l’entendre et/ou de le voir parler des films, de la vie, de l’engagement dans beaucoup de reportages français où il tenait à s’exprimer dans la langue de son interlocuteur avec ce sourire et cette politesse récurrente en demandant systématiquement « C’est comme ça qu’on dit ? ».


Il suffit surtout de se plonger dans « Qui je suis » qui sera le prologue et le fil rouge du spectacle. Un texte inachevé bouleversant dans lequel, lassé par les différentes attaques et procès dont il fait les frais en Italie, il part à New York et décide de faire un autoportrait-bilan de là où il en est. De ce qu’il a vécu. Et de ce qu’il veut faire…


Notamment "Théorème" qui sera donc son film à venir. La description toute simple qu’il fait du film, du rêve qu’il fait du film, narré comme un conte, sera le glissement pour nous vers la mise en jeu de "Théorème", le roman devenu film qui deviendra théâtre sous nos yeux et comme le rêve d’une pièce où tous les personnages seront des échos à l’entourage de Pasolini : son frère mort au combat, l’adoration pour sa mère, l’amour pour Ninetto Davoli, sa détestation pour la petite bourgeoisie mesquine dont il se fait injustement le représentant, et sa vision de la foi religieuse qui pour lui passe par le sexe, le corps et l’amour absolu…


Dans "Théorème" excepté l’ange (Christ des temps modernes qui libérera par le corps chacun des membres de la famille), la bonne (qui pourrait être sa mère) et l’angelot (Ninetto, son amant), Pasolini est dans chacun des membres de la famille : dans la dépression du père, dans la frénésie sexuelle désespérée de la mère, dans la maladie de la fille et surtout dans l’artiste en herbe qu’est le jeune fils et qui ne s’appelle certainement pas Pier par hasard, tout comme le père qui s’appelle Paolo.


A la fois autoportrait véritable, et portrait fictionnel éclaté où l’auteur ne demande rien d’autre que de « se jeter à corps perdu dans la lutte », ce spectacle sera à la fois une ré-aproppriation fidèle et intemporelle (donc actuelle) de l’écriture de Pasolini, et un hommage sensible à l’un des plus grands artistes du siècle dernier.

Pierre Maillet

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