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The Roots

Kader Attou ( Chorégraphie )


: Présentation

« Kader Attou revient sur scène et il revient sur ses pas.
En aucune manière pour danser en nostalgie ou en marche arrière.
Seulement pour travailler la substance qui est la sienne, nourrie des voyages, des rencontres, des expériences, des échanges – l’Histoire de l’Homme n’est faite que de cela – et du temps, celui qui a passé, celui qui bouge devant lui.
Avec onze danseurs, inscrivant la virtuosité de chacun au sein du groupe, Kader Attou arrive chargé de toutes les traces qu’il a laissées aux parterres urbains, espaces circassiens, rings de boxe ou parquets des théâtres.
The Roots dit ce qu’elle est. Une pièce de l’essence, de la sève, des racines. Mais pour autant qu’elle les visite, The Roots n’est pas un enfouissement ou un retour ; aérienne et au plein jour, elle est une avancée de plus dans la trajectoire du directeur du Centre Chorégraphique National de La Rochelle qui redéfinit les contours du hip hop.
Par quel chemin revient-il aux origines de sa danse ?
Appelons un pluriel, s’il vous plaît! : par les chemins, courts et profus, qu’ont dessiné au sol les pas des danseurs, de toutes les danses, et les siens, aussi, parmi les leurs. Révélatrice – point de départ – fut la lecture de ces traces, lacis, écheveau de vies croisées, ancrage de toutes les énergies. En cette cartographie du mouvement, en cette partition chorégraphique du chaos, Kader Attou a trouvé son ordre, son arbre. De chaque signe il a délié son écriture. Il fallait que s’impose le visuel de ces empreintes pour que le chorégraphe libère son inspiration et remonte à la source.
Le propos de The Roots n’est pas celui des racines identitaires, mais bien un questionnement de ce qu’est la danse hip hop, éternelle appropriation de codes, remaniés, revisités dans l’élaboration de nouveaux langages. À tout questionnement du genre, Kader Attou n’apporte pas une réponse intellectuelle – fut-elle longuement pensée et mûrie. Avec son apparente simplicité, celle des meilleurs versificateurs, elle est fondue dans sa matière, sa manière à lui : joie de créer ; rage et sourire ; rythme, détente, tension ; vitesse et retenue, puissance et lenteur ; instant tai-chi, jeu de jambes et jeux de mains ; fermeture, ouverture, figure, rupture… sont les nourritures de sa poétique du corps. Le corps est poétique si le chorégraphe est sincère, si le danseur est juste, et si la danse apporte cet indicible bonheur qui nous est commun – par convention, appelons cela émotion – et que l’on peut partager. Si, si… si ! Les conditions sont posées, Kader Attou les a réunies. Pas d’audition, des rencontres, avec des danseurs vus ailleurs, en d’autres pièces ; la danse de chacun, l’écoute des intentions et vibrations de chaque corps produisant chez le chorégraphe l’alchimie de la création. Onze en scène, c’est un corps multiple.
Pour The Roots, Kader Attou écrit dans la masse, comme un sculpteur. Onze en scène, ce sont autant de corps uniques. Kader Attou prend soin de l’Un dans le Nombre comme un compositeur orchestrerait sa musique.
Tout cela fait sens, et nous renvoie à ce que pourrait être une biographie de The Roots : le tracé d’un petit bonhomme gone chantant au fond de sa mémoire la berceuse de Idir, vieux 45 tours crépitant des sillons sur un électrophone rose. En sa mémoire aussi, le jour où sa mère, après l’école, l’a conduit sur un chemin de Lyon qui ne rentrait pas droit à la maison. On va où, maman ? Là, juste où se trouve la salle de boxe. Dans la cour d’école, on n’usait pas que du beau savoir des verbes pour répondre à l’insulte ou rendre les coups. Mais en ce détour du chemin, c’était de boxe américaine qu’il s’agissait. Un combat comme une danse. Kader allait toucher l’art avec ses poings. Par chance, le professeur avait en plus un goût prononcé pour le cirque.
À ce tour théâtral que prenait le ring, la télévision du samedi -14 heures pile – ajouta sa vitamine : H.I.P. H.O.P. (épeler, achipé achopé), émission culte. Sidney élevait en vedettes les gars des quartiers. Passé le générique de fin, dans un quartier semblable, Kader Attou jetait un carré de carton sur le trottoir et sur ce carré-là répétait les gestes à chiper, à choper. Un moment, cela put devenir un projet de vie, faire troupe et prendre un nom : cie Accrorap, réunion d’amis descendus du même ring, sortis du rang et de la même école de cirque, décrochés de la même Leçon de Sidney, traversés du même frisson de la danse. Sur le carton plaqué au béton, ils jouaient des chorégraphies.
Sur ce carré déjà, abondance de traces. Ils en laisseront en pagaille et partout : à Zagreb, en Inde, au Mexique, à La Villette.
Et jusqu’ici : Hip hop ayant grandi, il fut choisi. Avec pour seul viatique ce langage universel, ce vocable commun – de ce qui nous est commun – Kader Attou et cie ont dansé pour les jeunes des camps de réfugiés en ex-Yougoslavie, dans les favelas de Rio, dans les quartiers périphériques algérois. Les corps étrangers ne le sont pas tant que cela. La preuve : tous les corps dans le hip hop de Kader Attou parlent de condition humaine, de la (re)connaissance de l’autre, d’une rencontre avec… The Roots esquisse le vital et vaste réseau racinaire de tout cela.
Alors voyons comment la sève irrigue la danse ; voyons comment, sans perdre de sa nature et de sa culture urbaine, Kader Attou élabore une authentique danse d’auteur. Et voyons-le encore, sans jamais céder à la tentation de seulement plaire ou performer, tenir et véhiculer le propos d’un témoin de son temps élevé (au sens où s’élève l’esprit) dans le creuset des différences. Tout cela s’appelle l’intelligence en mouvement… et c’est dit-on l’une des étymologies possibles du mot. Hip hop.»

Élian Monteiro

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