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Seuil

+ d'infos sur le texte de Marilyn Mattei
mise en scène Pierre Cuq

: Note d’intention

Par Pierre Cuq

  • "La violence est ce qui ne parle pas." Gilles Deleuze

Seuil est né d’une rencontre. En 2016, lors d’une résidence d’écriture de Marilyn Mattei dans un collège, le Principal d’établissement lui fait part d’un événement : une série d’agressions sexuelles entre hommes ont eu lieu au sein de l’internat. Les principaux acteurs de ses agressions n’avaient aucune conscience de leurs actes, tout n’étant que « jeu », une forme de bizutage organisé par les plus grands sur les plus jeunes, et de surcroît entre garçons. Un père de famille convoqué par le Principal répondra à cette accusation par : « c’est pas du viol, ce sont des jeux, moi aussi j’y ai joué à ces jeux, j’ai été jeune, tout comme vous, on a tous joué à ces jeux là, entre hommes ».


C’est à la suite de cette rencontre avec ce Principal d’établissement, son témoignage, que Seuil a commencé à germer dans sa tête. La réaction du père de famille à alimenté plusieurs interrogations concernant à la fois la représentation du viol – dont seules les femmes pourraient être victimes – et la représentation du masculin, entre virilité affirmée, violence inhérente au genre, victimes impossibles. Au cours d’un temps de gestation du projet, de documentation sur ce type de drame appelé couramment « fait divers », d’autres interrogations et réflexions ont suivi : comment est-il possible d’abuser de l’autre sans en avoir conscience ?


Force est de constater, que les représentations stéréotypées du genre, ont la part belle aujourd’hui : en passant du jeu vidéo où l’homme est guerrier, tatoué, musclé ; aux réseaux sociaux où les hommes sont fiers, ne pleurent pas, font du sport, ont des abdos, des barbes bien taillées, sont tatoués ; aux médias où les hommes sont porteurs de violences sexuelles conscientes ou inconscientes, nous retrouvons toutes les constantes de la représentation d’un genre masculin aux archétypes virils, mâles dominants, dont la violence est inhérente au genre.
Force est de constater également que les représentations sexistes sont omniprésentes sans pour autant que nous en ayons conscience, usant de termes, d’adjectifs vidés de leur sens premier.


Ce qui frappe d’emblée dans les affaires de rite de passage entre hommes, c’est l’épais brouillard qui se forme parfois entre la version officielle et la réalité des victimes : que l’on parle de bizutage, d’agression, de règlement de compte ou de viol, les versions diffèrent, s’embrouillent, s’édulcorent, voire se justifient. Comme s’il fallait trouver une raison logique à la violence. La hiérarchie entre hommes ne se verbalise ni ne se conscientise pas. Tout bonnement elle s’intériorise, se rapportant à une échelle de virilité distinguant les vrais hommes des « autres », ou se disant à demi mot : tout agit comme si finalement on ne distinguait pas toujours où était le problème de la violence. Comme si nous l’avions intégré à notre mode d’évolution. Parce que c’est l’ordre des choses dans un système qui n’a pas connu d’autre réalité que celle-ci. C’est d‘ailleurs là le plus terrifiant : la construction du modèle masculin par la violence. Qu’est-ce donc alors que grandir pour un homme dans un schéma viril violent ? Cette violence on la sent dans toutes les couches de notre société, dans les comportements, de manière inconsciente : chez nos parents, nos amis, nos dirigeants politiques, dans les médias. Seuil souhaite par la fiction requestionner la notion du masculin dans notre société contemporaine.


Ce thème du rite de passage recouvre aussi pour moi un sujet brûlant d’actualité qu’est le consentement. Une première place dans le monde. Une première place dans la société. Voila ce qui se joue.
Comment trouver sa place ?
Comment la faire ?
Qu’est-on capable de faire pour faire avoir une place, infime soit-elle, quelque part ?
Jusqu’à quel point est-on capable d’aller pour en avoir une ?
Est-il possible de dire non, lorsque la négation, aujourd’hui, puisse être vecteur de rejet ?
Jusqu’où la peur de rester sur le seuil nous guide ?
Chaque sujet est-il une potentielle victime d’un certain totalitarisme ?


Seuil parle de l’injonction du renoncement, de ce que je sacrifie de moi pour appartenir à un groupe quel qu’il soit, du regard des autres sur un individu, de la pression sociale, de l‘effet de groupe.

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