Pour faire exister ce flou de la temporalité à l’oeuvre dans le roman de Dumas, je souhaitais travailler avec Armand et Marguerite à 17 ans, et Armand et Marguerite à 80 ans. Armand âgé convoque-t-il les fantômes de son passé et s’invente-il une compagne ? Ou bien les jeunes gens s’imaginent-ils un avenir amoureux, soixante ans plus tard ? Tout est possible, tout est ouvert pour que se croisent les temporalités et les couples, les personnages réels et les fantômes.

Les deux jeunes sont acteurs. Les plus âgés seront joués par des amateurs que je vais choisir dans des ateliers que je conduirai. Le spectacle s’inscrit en effet dans le cadre des créations partagées que Richard Brunel a initiées à la Comédie de Valence. Je ne vais pas apprendre à jouer aux personnes âgées, mais je vais plutôt voir comment, dans tout ce qu'elles sont, je vais pouvoir révéler le beau mensonge qu'est le jeu des comédiens. Je pense écrire à partir des propositions des amateurs. J'ai réellement envie de me laisser surprendre par eux. Bien entendu, ma page n'est pas complètement blanche au départ, il y a déjà des formes de projection, mais le sens de leur présence sera trouvé avec eux.

Le choix des amateurs est important pour moi, là où j'en suis dans mon parcours. Lorsque l'on travaille avec des acteurs, il y a une dimension d’expérience et de savoir-faire qui, à certains moments, peut couper avec le présent. Ce que les gens attendent au théâtre, c'est ce qu'ils attendent au cirque : que le funambule tombe ! C'est ce danger qui introduit vraiment le présent, un moment où tout le monde se sent ici et maintenant. Les amateurs vont amener une sensation de réel. Je souhaite partir de cette sensation du réel dans la scénographie comme dans le jeu des acteurs, pour finalement arriver à quelque chose de troublant.