La Dame aux camélias est un matériau de départ pour une réécriture. Tout le monde connaît ce roman sans le connaître vraiment. Quand l'auteur, Caroline Masini, a commencé à écrire, elle a fait un exercice d'interviews de personnes dans la rue, et il s'est avéré que tout le monde savait qu'il s'agissait d'une prostituée, qu'elle s'était sacrifiée, qu'il y avait une histoire de père, sans nécessairement avoir lu le roman. Il était très important pour moi de travailler sur un texte ancré en quelque sorte dans une mémoire collective. La Dame aux camélias, comme Phèdre par exemple, est un personnage « réceptacle » car chacun, de Verdi à Georges Cukor, a participé à la construction de son mythe. Nous avons eu envie de déterrer le mythe pour lui donner un nouveau visage.

La deuxième chose importante réside dans la forme. Le récit débute quand l'histoire est déjà morte... On voit le personnage d'Armand qui arrive accablé et qui demande à Dumas de lui rendre un livre qu'il aurait acheté dans la vente aux enchères de l'appartement de Marguerite. À partir de cela, Dumas se pose des questions et exige d’en savoir plus, ce à quoi on lui répond : « Je vous raconterai, mais avant ça, je dois aller déterrer une femme. » Armand va donc déterrer cette femme, pour la voir, et c'est là qu'il commence à raconter, et c’est là que commence le roman. Comme une reconstitution. Nous avons d'ailleurs beaucoup parlé du rapport à l'enquête avec l'auteur. On pourrait se dire que c'est une histoire de flash-back assez commune, mais en réalité, là où le roman est plus intéressant que ça, c'est que cohabitent la vivacité du souvenir et le deuil du présent. Cela pose la question du fonctionnement du récit, à savoir comment le présent vient s'infiltrer dans le temps du récit, et inversement, comment le temps du récit vient s'infiltrer dans le temps du présent.