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Screens

+ d'infos sur le texte de Sarah Carré
mise en scène Stéphane Boucherie

: Un spectacle en écho à une question

En quoi l’omniprésence des écrans modifie-t-elle notre rapport à l’autre ?

« Tout le monde est responsable »


Screens interroge un phénomène paradoxal : l’omniprésence de la communication comme source d’incommunicabilité, de rupture, de conflit. Combien de parents, par exemple, peinent à communiquer avec des enfants qui communiquent pourtant sans interruption avec leurs pairs ?


Screens, c’est donc le témoignage d’un père qui revisite son quotidien avec son ado, un quotidien envahi par les écrans. Il regrette une relation qui s’est dégradée et, sous l’effet de la colère et du chagrin, cherche les responsables. Si lui et son garçon sont les premiers en cause, eux qui se sont engouffrés, réfugiés, libérés dans les écrans au détriment l’un de l’autre, les responsabilités dépassent peut-­être le seul cadre familial. Car, à bien y réfléchir, « il ne joue pas tout seul, Baptiste ? Il ne tchate pas tout seul ? » Et si dans le caractère exponentiel du phénomène nous avions tous quelque responsabilité ? Autre aspect de ce phénomène paradoxal, la solitude dans laquelle peut plonger la priorité donnée aux « communications-­écrans ». Le choix d’un seul comédien (pour deux personnages) et d’un monologue participe de la volonté de mettre en évidence cette solitude. Ce père, perdu dans son attente qui s’accroche aux spectateurs comme à une bouée de sauvetage, donne évidemment une image pathético-­burlesque d’une solitude qui se débat avec elle-­même. D’une solitude que la multitude d’amis chinois à l’autre bout du monde ne semble combler qu’un temps…


Une passion partagée


« Sans mon portable, je ne suis rien », « Sans mon portable je suis vide, je suis perdu… » nous rapportent des adolescents qui gardent leur portable allumé à côté d’eux toute la nuit, au risque assumé d’être réveillé par un « tu dors ? » La dépendance est là, reconnue mais avec une incapacité à en sortir, signe qu’on se situe bien au niveau de la passion.


Mais au fait, où se situe la frontière entre une utilisation raisonnée et excessive ? La chose nous semble si claire chez les autres, quand nous nous aveuglons volontiers en ce qui nous concerne. Untel passe trop de temps sur ses jeux vidéos, tel autre sur ses mails, ses SMS, tel autre encore passe sa vie sur les réseaux sociaux… Et nous ? Dans quelle mesure le regard que nous portons sur nous-­mêmes est-­il juste ? Et celui que nous portons sur les ados ?
La figure paternelle au centre du spectacle permet d’interroger les relations intergénérationnelles, mais aussi de renvoyer parents et ados dos-­à-­dos, d’envisager la question dans toute sa complexité, sans manichéisme ni moralisation. Ainsi le spectacle laisse autant à entendre la voix d’un père offusqué « je peux quand même finir mon mail, non ? » que celle d’un ado heureux d’avoir retrouvé sa mère sur Facebook, même si de son côté à elle, « l’avoir comme ami, ça lui suffit ». Et à chacun de se reconnaître. Ou pas.


« On est coincé par la vérité. Si banale la vérité. »


« Moi, au carnaval, je deviens un autre. Comme un profil, tiens ! Il y a des jours, je n’en peux plus d’être Robin Reynart… »
Screens interroge parallèlement le jeu sur les identités. Si le plaisir du travestissement est facilité par les nouveaux moyens de communication et le monde virtuel, il n’est pour autant pas nouveau. L’homme a toujours joué à « déguiser » qui il est, et la notion de rôle social n’est pas nouvelle non plus. Pourtant, alors qu’on considère avec respect ce jeu lorsqu’il relève du carnaval ou du théâtre, on aborde négativement, voire avec quelque mépris, le besoin de se créer virtuellement des avatars. Le spectacle confronte le carnaval, le théâtre et le monde virtuel par le biais des costumes ; mais aussi en rompant avec l’illusion théâtrale : « vous écoutez, ça a même l’air de vous intéresser mon histoire. Ça ne vous gêne pas que ce soit faux. » Screens élargit ainsi la perspective d’un phénomène qui par son ampleur, aurait tôt fait de nous faire croire qu’il est seulement actuel. « L’autre, il s’invente des vies ? Et alors ? »…

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