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Royan

+ d'infos sur le texte de Marie NDiaye

: Note de l'auteure

Par Marie NDiaye

C’est une belle fin d’après-midi, un après-midi de printemps à Royan, et une femme rentre chez elle dans la lumière dorée du boulevard. Elle arrive du lycée où elle enseigne le français. Elle commence à monter l’escalier pour rejoindre son appartement quand elle s’arrête soudain : elle a entendu, perçu plutôt, les signes infimes de la présence d’un couple sur son palier, un étage plus haut. Elle distingue le bruit de leur respiration, sent leur présence et, bien qu’ils ne parlent pas, elle les reconnaît, elle sait sans doute possible qui sont ces gens.


Elle reste immobile, figée dans son mouvement, dans son intention de regagner paisiblement son appartement. Elle comprend qu’elle ne peut pas rentrer tant que ce couple est là, à l’attendre. Car elle a tout fait, jusqu’à présent, pour éviter de les rencontrer. Ils lui tendent un piège en osant venir jusque chez elle, piège dans lequel elle est résolue à ne pas tomber, quitte à errer la nuit entière dans Royan ou à demeurer, même, clouée sur les premières marches de l’escalier, pétrifiée à la fois par sa détermination de ne pas affronter ces intrus et par le flux de ses réminiscences, visions, hantises.


Le monologue de cette femme se déroule durant ce moment- dans cet espace de temps qui s’étire, cesse d’être mesurable ou perceptible pour elle. Elle s’adresse aux deux êtres qui sont là-haut, un homme et une femme : ils sont les parents d’une de ses élèves, Daniella, qui s’est jetée par la fenêtre un mois auparavant, qui en est morte. Les parents veulent désespérément une explication, des raisons, un sens au suicide de leur fille. Elle, la professeure, estime qu’elle n’a rien à leur dire.


Néanmoins elle leur parle de Daniella telle qu’elle l’a connue et beaucoup aimée et, plus encore, d’elle-même, née et élevée à Oran. Elle raconte ou, plutôt, tente de reconstituer ce qui l’a conduite d’Oran à Royan et pourquoi elle refuse d’endosser la moindre responsabilité dans la mort de Daniella même si, d’une certaine façon, elle s’est toujours vue, reconnue en cette élève. Ce faisant, presque à son corps défendant, c’est une Déploration de Daniella qu’elle invente, une sorte de prière profane pour que cette jeune fille, où qu’elle soit, trouve enfin la paix.

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