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Roméo et Juliette

+ d'infos sur le texte de William Shakespeare traduit par Yves Bonnefoy
mise en scène Juliette Damiens

: Note d'intention

Tout le monde connaît l’histoire de Roméo et Juliette… et Pâris.
Alors pourquoi la raconter encore une fois ?


Parce qu’aujourd’hui encore, cette histoire a un sens.
Parce qu’aujourd’hui encore, cette histoire nous touche.
Parce qu’il y a tellement de façon de raconter cette histoire.


C’est l’histoire d’une fille, Juliette, qui essaie d’être en vie.
C'est l'histoire d'un homme, Pâris, qui suit les règles préétablies.
C'est l'histoire d'un jeune homme, Roméo, qui veut tout, même l'impossible.



C’est une histoire d’amour triangulaire, dans laquelle Pâris et Roméo sont les deux faces d’une même médaille. Le cérébral Pâris vit pour Juliette. Il souhaite l’épouser, il se soumet et suit les consignes du père : Juliette n'est pas prête, il attendra. Trop ou pas assez…. Si près d’obtenir celle qu’il aime, sa seule et unique épouse sera la mort. Roméo dans toute sa violence, son incapacité à vivre dans un monde qu’il ne comprend pas, désire toujours ce qu’il ne peut pas avoir : Rosaline qui veut se faire nonne, Juliette la fille de son ennemi. Il brave alors tous les interdits pour vivre son amour. L’un se soumet à une société qui ne lui apportera pas le bonheur, tandis que l’autre fait tout pour y échapper. Et Juliette, dans toute sa candeur, son envie d’y croire (à l’amour, à la vie) sans savoir vraiment comment s’y prendre, a besoin d’être bousculée pour s’éveiller. Le charisme de Roméo, le danger qu’il représente, peut la sortir de sa léthargie.


C’est une histoire d’amour qui ne supporte aucun compromis. Ils sont jeunes et ne croient qu’à l’amour passion. Chaque obstacle devient pour eux une montagne, ils sont toujours prêts à mourir refusant toute concession.


C'est une histoire intemporelle – cette tragédie ne varie pas avec le temps, elle est au moment où elle se joue –, la modernité n'a pas d'emprise sur elle : c’est un propos universel qui est défendu. Mais c’est aussi et surtout une histoire qui nous prend aux tripes ; elle n’est pas lisse, propre et bien rangée. Elle déborde de passions, de pulsions. Il faut que le corps exulte et libère toute sa violence. Ainsi, les deux chœurs des deux premiers actes seront chantés, chantés avec l’envie forte d’être ici et maintenant à raconter cette tragédie. D’ailleurs, plus que chantés, ils seront dits sur une musique, dits avec la nécessité de parler, et ainsi donner toute sa force au texte. Ce sera brut, peut-être dissonant, mais cette rudesse, c’est la vie, c’est la liberté de la voix. Cette pièce est un acte violent où Amour et Haine règnent, où le corps devient langage. Le corps se révèle, part à la découverte de l’autre, du corps inconnu, se heurte à l’intime, à la pudeur ; le corps se bat contre la haine qu’il porte. Tout va très vite, régi par une pulsion d’Amour, une pulsion de Mort. La mort n’est pas un obstacle mais une fierté face à des convictions : tout le monde est prêt à mourir pour sa cause. Il n’y aura donc pas d’épée, toutes les bagarres se feront à mains nues, aux poings, aux coups en fourbes….


C’est l’histoire d’un monde aux règles bien définies. Les jeunes filles sont limitées par un carcan familial qui les laisse incapables de faire des choix. Elles passent leur vie en sommeil, à subir passivement une vie qu’elles auraient voulu vivre pleinement. Les jeunes hommes, de leur côté, sont offerts en pâture à un monde qu’ils ne comprennent pas, jeunes chiens fous guidés par leurs désirs, leurs amis, leur haine. Pour appuyer le gouffre entre ces deux alternatives, les parents de Roméo seront absents, lui laissant pour seul héritage une haine qui ne lui appartient pas, seul héritier de l’honneur de la famille.


C’est l’histoire d’un paradoxe. Car, au bout du compte, les unes comme les autres ne sont pas armés pour prendre des décisions justes, pour mener à bien leur propre vie.


C’est une histoire de conflits, conflits entre deux mondes, entre deux familles, entre deux âges ; conflits mis en valeur et révélés par nos choix de scénographie. Toute l’esthétique de la pièce, décors et costumes, sera influencée par le courant artistique baroque, mouvement imprévu et irrégulier où l'expression des émotions est intense et insistante, tout comme la jeunesse des héros de cette histoire. En choisissant ce courant artistique, nous faisons écho à la période où le texte a été écrit et nous construisons notre propre idée du baroque : quel meilleur moyen pour parler d’intemporalité que d’utiliser des codes artistiques qui ont traversé l’Histoire. Les costumes, des drapés, s’étaleront dans un camaïeu de blanc, défini selon l’âge des personnages. Au fil de l’histoire, au fil des morts, le rouge sang viendra tâcher ce tableau blanc : « Il y aura du sang. On dit que le sang attire le sang » (Shakespeare, Macbeth). Les sangs laissent leur trace indélébile, comme la marque d’un passé inaltérable, sur chacun. Et afin de bien délimiter les frontières de ce conflit, trois escaliers occuperont le plateau, trois escaliers pour trois entités en présence, trois référents – les Montaigu, les Capulet et la Religion –, trois escaliers qui se déplacent pour créer les différents espaces. Nous serons confrontés à un lieu mouvant, qui évolue à la vitesse de la fougue et de la jeunesse de Roméo et Juliette.


C’est une histoire de liens entre les gens : les liens du sang, les liens d’amour, les liens de haine ; les liens qui se font et se défont, les liens plus ténus qui nous relient à la vie et qui se brisent les uns après les autres au fil de l’aventure. Il nous semble important et nécessaire de matérialiser ces liens qui unissent chaque personnage à un autre. Ces liens visibles et tangibles, reliant par un fil les personnages entre eux, représentent ce que chacun porte à l’intérieur de lui : l’héritage qui lui est laissé, ses affinités. Afin de bien clarifier les rapports entre chacun, ces fils/liens ne seront pas de la même couleur s’il s’agit des liens du sang, des liens d’amour ou d’amitié. Ces liens matérialisés entraînent une contrainte de jeu formidable, où le corps prend alors toute son importance. Par ailleurs, ces liens mettent en valeur l’essence même de la tragédie qui se joue. En effet, un seul personnage n’est relié à personne : Frère Laurent. Il prend alors toute sa dimension tragique : il est omniscient, c’est lui le marionnettiste qui donne les clefs pour rendre possible cet amour interdit. Il aspire à de plus grandes choses – la réconciliation des deux familles, une paix durable dans Vérone – alors que Roméo et Juliette souhaitent juste vivre leur amour avec passion, tout en respectant la seule loi qui leur semble juste, celle de Dieu.


C’est une histoire d’héritage. Quelle histoire laisse-t-on à nos enfants ? Quelles alternatives pour leur vie à venir ? Ici, c’est la haine que l’on laisse comme seule consigne, comme seul échappatoire.


Alors, cette histoire interdite entre Roméo et Juliette, c’est aussi une envie de se libérer d’un monde qui nous laisse trop peu de possibilités.

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