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Roméo et Juliette : Thriller médiatique


: Note de mise en scène

Raconter l’histoire mythique de Roméo et Juliette, dans un Vérone hyper-médiatique, nous est apparu comme une nécessité pour inscrire la fable dans le 21ème siècle : comment ne serions-nous pas informés d’une guerre civile qui ferait rage, même à l’autre bout du monde ?


Nous avons donc ancré la réalité médiatique au centre de l’intrigue. Nous avons ajouté au rôle de Paris (prétendant de Juliette), l’emploi de présentateur phare d’une chaine de télévision de Vérone, et redéfini chaque autre personnage dans son rapport aux médias, sans dénaturer sa fonction dramatique établie par Shakespeare.


Ainsi, la présence des médias au coeur du travail, nous a permis d’introduire un autre regard au sein de la fable, une caisse de résonnance, un amplificateur des enjeux dramatiques de la pièce. Les événements privées auxquels ils sont conviés (fêtes, mariage…) deviennent des événement nationaux ; les huis clos du pouvoir, surpris par des micros ou des caméras indiscrètes, éclatent au grand jour ; les événement locaux (les rixes entre les deux familles…) prennent une ampleur planétaire… Et, de même, cette surexposition médiatique renforce le secret de l’amour de Roméo et Juliette.
Cela nous a aussi conduit à revisiter les signes du pouvoir : la célébrité, l’ostentation, l’influence ont pris d’autres formes avec la « peopolisation ».


Mais, l’utilisation des médias nous a contraint à une « BFMisation » de l’histoire, à une adaptation qui rend compte de l’urgence dans le traitement de l’information, par des raccourcis dramaturgiques, des coupes qui accélèrent le rythme de l’histoire ; par le remplacement des messagers de la pièce par une information que reçoivent les personnages en direct et où qu’ils soient… par contraste, ce flot ininterrompu et répétitif mettra en valeur les situations hors médias que nous réservons aux discours de Frère Laurent, symbole de la raison, de la pensée construite qui s’oppose à la l’expression immédiate de la passion et du laisser aller au sentiment.


Cette accélération permanente nous a conduit à pousser l’emballement médiatique jusqu’à son paroxysme afin d’explorer certains travers de la course à l’audimat : les conclusions hâtives, l’urgence grandissante de livrer des informations inédites (quitte à ce qu’elles soient fausses), la répétition de l’information qui en enfle l’importance, la surenchère de la dramatisation…


Nous avons opté pour une sur-théâtralisation de la tragédie de Shakespeare et les traitements de la matière audiovisuelle en sont des outils privilégiés : le montage, le cadrage, la sonorisation, le commentaire, et l’auto-mise-en-scène, permettent de sélectionner, de grossir ou d’amenuiser le contenu, ce qui engendre des décalages et oriente parfois le regard du spectateur.


Le spectateur ayant accès à la version originale des faits et à la version médiatique, percevra ce décalage et ses mécanismes : un constat où se mêlent amusement et indignation.
L’amusement du ridicule de certains procédés : la répétition qui donne une fausse importance, les personnages qui se donnent en spectacle, le revirement médiatique qui oublie ses erreurs passées…
L’indignation, car soumis à l’impératif de l’audience, ils iront jusqu’à transgresser les tabous médiatiques : révéler les confidences qui leur ont été faites en toute confiance ; diffuser les images des corps des personnages morts, des effondrements émotionnels de leurs proches… Ils utiliseront tous les moyens possibles pour retenir l’attention du spectateur : ils élaboreront des hypothèses crédibles fondées sur les faits disponibles, et proféreront des accusations plausibles fondées sur ces hypothèses hâtives et invérifiées… faisant de Roméo Montaigu un homme à abattre.
Peut-être même que l’épouvante saisira les spectateurs, devant les effets de ces excès.


Et de la même manière que nous dévoilons certains mécanismes médiatiques, nous ne cachons pas les artifices du théâtre : régie, techniciens, câbles, moniteurs, projecteurs… tout est à vue ; le spectateur accède « back-stage », au « car régie ».
L’espace, aussi, participera à notre recherche sur la frontière ténue entre privé et public, entre montré et caché… un espace modulable qui nous permet de raconter ce Mythe, parfois tambour battant, parfois dans le plus grand calme et le plus pur isolement. Le spectateur pourra voyager du plateau de télévision d’un esthétisme brillant, coloré voire « bling-bling », à la sobriété, voire l’austérité des formes d’un espace parfois totalement théâtral.


Si notre parti-pris nécessite la présence de l’audiovisuel en scène comme outil de narration à part entière, aucun élément, aucune image ou réalité extérieure à la scène ne seront présentés. La réalité de cette fable se déroule dans les limites du théâtre pour mieux laisser place à l’imaginaire.


Grâce à la mise en perspective inhabituelle de ce Mythe, nous voulons créer la surprise, l’interrogation, pour provoquer l’éveil et éventuellement la réflexion.

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