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Ressources humaines

+ d'infos sur l'adaptation de Elise Noiraud ,
mise en scène Elise Noiraud

: Note d'intention

Par Elise Noiraud

En 1999, Laurent Cantet réalise Ressources Humaines. Le film rencontre un grand succès. Pour ma part, j’étais encore lycéenne lorsqu’il est sorti et je garde un sou- venir puissant de sa découverte. Par le choix de montrer à l’écran un milieu ouvrier, populaire, Laurent Cantet me mettait face à des gens que je connaissais, que je côtoyais au quotidien dans mes Deux-Sèvres natales, mais que je n’avais jamais vus représentés au cinéma. À qui je n’avais jamais pensé que l’on pouvait donner la parole, grâce aux outils de l’écriture et de la fiction.


Cette histoire, celle d’un enfant d’ouvrier aux prises avec son écartèlement in- terne entre deux mondes sociaux, en même temps qu’il découvre l’âpreté du monde de l’entreprise, me touche profondément. Elle est, en effet, d’une densité rare : elle pose à la fois des questions intimes et familiales très sensibles (la question de la « trahison » de son milieu d’origine, du regard qui change sur ses parents...), des questions sociologiques (qu’est-ce-que provoque le fait d’être un transfuge de classe, comment les langages, les attitudes, les « habitus » peuvent être les té- moins d’une violence sourde entre les classes sociales), des questions sur le monde de l’entreprise et sa dureté, des questions sur la force du collectif, des questions sur la honte intégrée comme une seconde peau, des questions sur l’espoir de l’as- cension sociale via l’enfant, des questions sur la notion-même d’ascension sociale... tout cela fait que cette histoire me passionne par sa complexité autant qu’elle me bouleverse par la puissance des questions humaines qu’elle met en œuvre.


Par ailleurs, en choisissant de traiter d’un moment de bascule de notre histoire sociale (le passage aux 35h), Ressources Humaines trouve des échos saisissants avec notre actualité. Aujourd’hui encore, les 35h sont régulièrement remises en cause et surtout, l’éclatement actuel des modes de travail (auto-entreprenariat, micro-travail, et plus largement « uberisation » d’un certain nombre de domaines d’activités) devrait nous amener à nous interroger collectivement sur la façon dont nous souhaitons définir le travail dans notre société. Là où les 35h promettaient une protection accrue des salariés, on peut légitimement se demander dans quelle mesure l’encouragement actuel à toujours plus de flexibilité ne risque pas d’être systématiquement corrélé à plus de précarité.


Mon travail d’écriture et de mise en scène, tant seule-en-scène que dans des formes collectives, s’est orienté résolument, depuis plusieurs années déjà, vers le traitement du réel sur la scène du théâtre. Ce réel peut être aussi bien intime que politique, individuel que collectif. Mon précédent spectacle avec la même équipe, Les Fils de la Terre, était l’adaptation d’un documentaire d’Edouard Bergeon qui parlait du monde agricole, se situant lui aussi à un endroit de croisement entre des problématiques familiales et sociétales. Après le monde agricole, je souhaite parler ici du monde ouvrier, dans une idée de diptyque mettant sur scène des populations finalement assez peu représentées au théâtre.


Je veux travailler à un théâtre engagé, qui parle de l’humain autant que du social, un théâtre politique mais profondément incarné, car je crois que les questions politiques et sociales ne sont jamais aussi fortes que lorsqu’elles s’incarnent puissamment dans des êtres et dans des histoires.

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