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Rachel

+ d'infos sur le texte de Yan Allegret
mise en scène Yan Allegret

: Notes de mises en scène

- J'ai écrit "Rachel" il y a quelques mois pour une actrice, en imaginant comme seul cadre un plateau vide éclairé au néon, avec un homme au sol.
La création à venir portera avant tout une loi d'épure. Il ne s'agira pas de remplir, mais bien de vider, puis de travailler avec des restes. Restes d'une parole, d'un corps, d'une mémoire.


- "Rachel" est un monologue en stances. Une parole poétique. Pour incarner ou interpréter cette parole, je proposerai à l'actrice de travailler avec moi à l'instar d'un déserteur, en abandonnant le terrain. Les peaux et les voix ne trembleront plus. Les larmes comme les cris seront rentrés au dedans. Les tonalités premières seront lentes et silencieuses. Ici, c'est par l'absence d'émotion que l'émotion arrivera.
Il faudra être le déserteur, mais aussi le terrain déserté. Le travail de construction commencera à partir de là.


- Nous écrirons au fur et à mesure des répétitions deux partitions; l'une vocale, l'autre corporelle. Les liens qui seront tissés entre la chair et la voix ne seront pas rationnels ou illustratifs, mais fonctionneront sur une logique de la sensation.
De cette manière, nous construirons peu à peu sur le plateau une figure étrange, anormale. Comme un prisme dont les facettes renverraient la lumière dans des directions contraires tout en éclairant le même espace.


- Dans chaque endroit où nous jouerons, je proposerai à un homme (acteur professionnel ou non) d'incarner la figure masculine sur le plateau.
Nous aménagerons trois jours de répétition ensemble pour l'écriture d'une partition corporelle qui, en fonction de chaque rencontre, sera modifiée légèrement.
La place que je proposerai à l'acteur sera celle de l'étranger, non celle du figurant.
Je n'ai pas envie de nourrir le plateau par l'incertitude. Mais plutôt de nous mettre, l'actrice et moi-même, en recherche d'une altérité concrète, ouverte; puis de construire ensemble à trois un objet parlant de cette rencontre.


- L'oeuvre musicale "Four Walls" de John Cage nous servira de trame sonore. Il s'agit de courtes pièces de piano, répétitives, qui ponctueront la parole sur le plateau ou parfois se mélangeront à elle. Cette musique constituera une sorte de repère à l'intérieur de la représentation, et fera écho aux questions ou aveux de Rachel, répétés inlassablement: "Et pourtant je ne suis pas calme. Je ne le suis pas. Je ne le serai jamais". Un chant féminin contenu dans "Four Walls" ouvrira d'autres fenêtres; celles du voyage, de la mémoire, de la résolution. Il sera utilisé une ou deux fois pendant le spectacle.


- La scénographie: un espace nu, déserté. J'y disposerai quelques éléments, traces ou indices de la course de Rachel: des flaques d'eau au sol, une pierre posée par terre (bout de pavé d'une rue de Lisbonne), une lame plantée dans l'un des murs. C'est tout.
La multitude des paysages dont il est question dans le texte sera avant tout à incarner dans la parole et le corps de l'acteur. A la fois arbre dans le paysage, vent dans l'arbre et parole décrivant le vent.
- L'espace des spectateurs sera faiblement éclairé. Les acteurs pourront voir les visages en face d'eux. Chacun pourra être exposé au regard et au silence de l'autre. La confrontation frontale sera rendue possible, mais ne se réalisera pas.
Le lien des acteurs vers les spectateurs sera négocié de manière indirecte, presque secrète. Comme un dialogue souterrain qui s'engagerait parallèlement au texte, dès le début de la représentation, en équilibre permanent entre la proximité réelle du témoignage et la séparation du quatrième mur.


- Me revient en tête cette phrase de Maurice Blanchot: "La base de la communication n'est pas nécessairement la parole ni le silence qui en est le fond et la ponctuation, mais l'exposition à la mort, non plus de moi-même mais d'autrui, dont même la présence vivante et la plus proche est déjà l'éternelle et insupportable absence".


- L'exposition face à l'autre, au vide ou à la mort est inscrite dans le corps même de l'acte théâtral, loin des peaux culturelles.
Ce n'est qu'à travers cette essence dévoilée et redécouverte que le texte pourra résonner vers autre chose, s'apparentant aux prémisses d'un combat.
A moins qu'il n'ait déjà commencé.

Yan ALLEGRET

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