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Quartett

mise en scène Patrick Schmitt

: Présentation

Je me suis toujours passionné pour les courants libertins du XVIIème & XVIIIème siècles et je reviens toujours vers eux, dès que je sens ma réflexion devenir prisonnière des filets de la bien-pensance, quand il devient urgent pour moi de retrouver ma hargne avec ma profondeur. J’entreprends alors une plongée dans les gouffres de l’antimorale (et notamment sadienne), afin de m’extirper, pour un temps du moins, de cette propreté apparente du monde, d’un monde où pour notre bonheur, il sera bientôt interdit de vivre ! Commence donc mon exploration par Aline et Valcour. Lire Sade, c’est faire place nette, désapprendre, partir à la conquête du vide. D’un roman épistolaire à l’autre, je fais irruption chez Laclos qui me dirige droit sur Müller. Je viens inconsciemment de tisser un fil. Quartett ! J’ai lu la pièce, il y a très longtemps, mais je ne l’ai jamais vue jouée. Je retrouve très vite la partition, je m’y engouffre. Avant d’arriver au bout, je pense déjà à mon actrice, et j’en fais mon essentiel !


ET PUISQU’IL FAUT TOUT DE MÊME PARLER DE LA PIÈCE Celle-ci met en scène la marquise de Merteuil et le vicomte de Valmont, les deux protagonistes des Liaisons dangereuses de Choderlos de Laclos. Mais Heiner Müller ne fait en aucun cas une adaptation du célèbre roman épistolaire. Et c’est ce qu’il indique d’entrée au lecteur en introduction à sa pièce : “Un salon d’avant la Révolution française / Un bunker d’après la troisième guerre mondiale“ S’il calque le parcours et le caractère de ses personnages sur le parcours et les personnages de Laclos, il va néanmoins les emmener ailleurs, et autrement.


En effet, dans ce Quartett, Merteuil et Valmont apparaissent toujours en libertins oisifs et maléfiques de la seconde moitié du XVIIIème siècle, mais il se pourrait fort bien aussi qu’il s’agisse de personnages endossés par des acteurs se retrouvant une dernière fois pour une cérémonie à la fois baroque et funèbre ; un rituel parfaitement orchestré pour enterrer avec eux la fin d’un monde, du leur. Du jeu au jeu-dans-le-jeu, la frontière est poreuse et favorise les glissements qui s’opèrent entre l’univers du réel et celui du fantasme. Nos deux naufragés, comme survivants d’une guerre des sexes, vont s’affronter à “tour de rôles“ sur leur terrain de jeu privilégié l’érotisme ; remède unique pour repousser la mort et à la fois s’y fondre, et avec une arme redoutable le langage.


Merteuil pose la situation et entame la joute, Valmont réplique. Puis vient le jeu des rôles : Merteuil endosse le rôle de Valmont et Valmont endosse (par défaut) celui de La Tourvel. Valmont reprend ensuite son propre rôle devant Merteuil qui endosse celui de Cécile de Volanges. (Voici le titre clarifié !) Enfin, et pour conclure : “le sacrifice de la Dame“ ! Valmont reprend le rôle de Tourvel et Merteuil celui de Valmont. Fin de partie !


Personnages-acteurs, mais aussi spectateurs d’eux-mêmes, chacun est pour l’autre à la fois miroir et adversaire. Inséparables, qui sait, peut-être ? « Maintenant nous sommes seuls cancer mon amour ». Ce sont les derniers mots de la pièce et de Merteuil, celle-là même dont le double s’affranchissait ainsi dans le roman de Laclos : “Je suis née pour venger mon sexe“.

Patrick Schmitt

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