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: Note d’intention

Aujourd’hui, le sexe est partout. Nous en sommes submergés au quotidien sous des formes diverses et plus ou moins explicites. La libération des moeurs de la fin des années 60’ s’est muée en partie en une dictature de la jouissance. Mais aussi le « jouir sans entrave », cantonné d’abord à l’activité sexuelle proprement dite, s’est propagé à d’autres aspects de notre vie.


Un glissement de termes et de symboles a fait de la « réussite » sur le plan sexuel un emblème de la réussite sociale. Le bonheur auquel nous aspirons tous serait une succession perpétuelle de plaisirs immédiats, un orgasme continu. Pourtant la vision crue des organes génitaux reste proscrite et cet hédonisme contemporain porte en lui une morale pudibonde déconcertante. Le sexe est dans l’air mais il reste flou. C’est à se demander s’il ne sert pas à masquer un aspect purement utilitaire de l’impératif de jouissance, à entretenir à des fins commerciales une addiction pour la consommation, en nourrissant un désir permanent mais diffus qui puisse s’accomplir dans l’achat.


Toujours est-il que cet impératif de la jouissance ramené à l’activité sexuelle nous met sur les épaules une pression culpabilisante. Sommes-nous physiquement à la hauteur ? Que sommes-nous si nous ne parvenons pas à jouir ? Une femme peut-elle se considérer comme émancipée si elle ne parvient pas à l’orgasme vaginal ?…


L’imagerie de notre société impose des canons corporels et sexuels proprement surhumains. Le corps doit être naturellement beau, jeune, sain, performant, et nous avons chacun et chacune la responsabilité de mener le nôtre vers la perfection, si nous voulons avoir une chance d’entrer dans la grande compétition de la sexualité où seuls les plus performants seront réellement dignes de perpétuer l’espèce.


Une nouvelle norme se constitue peut-être, celle des super-héros de la séduction sexuelle. La technologie met à notre portée ce fantasme. Nous sommes les gestionnaires de notre corps comme d’un capital qu’il faut optimiser. Mais ce formatage uniformisé du corps pose question dans la mesure où il impose insidieusement de le transformer pour correspondre à une norme. D’autant plus que les possibilités presque sans limites de la technologie permettent facilement de basculer dans l’excès. La frontière est trouble et ténue entre la surhumanité et la monstruosité.


On arrive ainsi à l’idée incongrue qu’il faut être surhumain (voire monstrueux) pour être normal. Cette proposition paradoxale et schizophrénique est au coeur de notre projet. Transformer son corps, oui mais pour aller dans quelle direction et jusqu’où ? En tenant compte des lois de l’évolution, comment va muter le corps humain pour s’adapter à cette nouvelle norme ? Les rares parmi nous qui parviendront à cette surpuissance de séduction sexuelle ne seront-ils pas justement hors norme ? La norme est-elle l’anomalie ?

Catherine Brevers et Mathylde Demarez

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