: Mariluise Fleisser (1901-1974)
"J'écris pour l'être humain jeune et pour ceux qui furent jeunes avec passion."
Mariluise Fleisser,1925
Originaire d’Ingolstadt, en Bavière, ville provinciale petite-bourgeoise et conservatrice, Marieluise Fleisser quitte en 1919 le cocon familial sur lequel règne la puissante figure du père pour poursuivre ses études universitaires à Munich, pendant lesquelles elle lit secrètement Strindberg et échappe de peu à la mort par la faim. Elle rencontre Lion Feutchwanger qui aime beaucoup sa première nouvelle.
En 1922, elle voit Tambours dans la nuit de Bertolt Brecht, et le rencontre lors d'un
bal masqué. C’est ensuite à Berlin, dans cette métropole aimée et détestée qui lui
apporte une rapide et éphémère notoriété, qu’elle continuera de fréquenter ce
«grand consommateur d’êtres humains» dans la compagnie duquel elle vécut six
années durant. Enfer et paradis noués dans un même tourbillon d’illumination
créatrice. C’est une « seconde naissance » en demi-teinte : celle d’une femme
libérée consciente de son pouvoir créateur et de son originalité artistique, deux
choses que Brecht admirait chez elle. Galvanisée et conseillée par lui, c’est à ses
côtés qu’elle fera ses premiers pas décisifs dans le domaine de l’écriture
dramatique. Coup sur coup, deux pièces à succès et à scandales : Purgatoire à Ingolstadt/1926 et Pionniers à Ingolstadt/1928. Cette dernière est créée à Dresde par
Renato Hordo, puis à Berlin, avec Peter Lorre.
Mais Brecht semble trouver qu’elle fait oeuvre plus utile en servant le café, en
s’occupant de son économie domestique et en relisant ses manuscrits qu’en
écrivant une thèse ou des oeuvres personnelles. Elle arrête l’écriture de sa troisième
pièce Le Poisson des grands fonds à sa demande.
Vers 1930, après une tentative de suicide, elle rompt avec lui (lire Avant-Garde, éditions de Minuit). De même, cette année-là, quitta-t-elle son fiancé, Haindl, buraliste et champion de natation d'Ingolstadt (lire son roman, le Plus Beau Fleuron du club, Actes Sud) avant de se fiancer à nouveau et de rompre avec un journaliste poète d'extrême droite, Helmuth Draws-Tyschen, avec qui elle voyage pendant trois mois en Andorre, pour finalement revenir au buraliste et l’épouser. A cause de grands soucis pécuniaires, elle retourne à Ingolstadt en juin 1932 et travaille avec son mari.
L’arrivée au pouvoir d’Hitler en 1933 et la montée en puissance de l’idéologie nazie vont stopper net sa prometteuse carrière, réduisant à néant la liberté artistique des femmes créatrices, anticonformistes et «déviantes». Tenue pour immorale et scandaleuse, inscrite sur une liste noire, la «déesse des marécages», «épave abreuvée de crachats», ainsi que la décrit Kerstin Specht dans la pièce qu’elle lui consacre, Marieluise, elle fut interdite de publication dès 1933, ostracisée par la population nazie d’Ingolstadt et même rejetée de certains établissements publics. Dépression, hôpital psychiatrique. Le service militaire la contraint à travailler en usine. C’est ainsi que l’élan qui l’avait arrachée au purgatoire de sa ville l’y replongea pour longtemps.
Ce n'est qu'à partir de 1945 que la «femme écrivain» (comme elle se désignera) peut
reprendre son oeuvre littéraire, révisant ses anciens textes, publiant romans et
pièces de théâtre. En 1950, grâce à Brecht, La Forte Race est montée au Théâtre de
Munich.
En 1953, elle obtient le Prix littéraire de l’Académie des Beaux-Arts. 1954, mort de
Brecht. 1958, mort de Haindl. Vente du commerce. 1961, Prix de la ville
d’Inglostadt. 1966-1968, La Forte Race est jouée à la Schaubühne.
Elle eut à peine le temps de connaître sa renaissance au début des années 70 grâce
à la redécouverte de son oeuvre par une nouvelle génération de « pionniers » qu’elle
appelait «mes fils» : Martin Sperr, Franz Xaver Kroetz, Rainer Werner Fassbinder
(qui adapte Pionniers d’Ingolstadt), Herbert Achternbusch...
1971-1972, création de la troisième version de Pionniers à Ingolstadt (Théâtre de
Munich), et de la deuxième version de Purgatoire à Ingolstadt dans une mise en
scène de Peter Stein à la Schaubühne. Elle meurt le 1er février 1974 à Ingolstadt.
1980 : création du Poisson des grands fonds à Hambourg, Vienne et Berlin.
En 1981, Ingolstadt crée le prix Marieluise Fleisser.
Elfriede Jelinek a dit d’elle qu’elle est «le plus grand auteur dramatique féminin du XXe siècle.» Télépho
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