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Ogres

+ d'infos sur le texte de Yann Verburgh
mise en scène Eugen Jebeleanu

: Note d'intention

par Eugen Jebeleanu

Introduction


28 scènes, 14 destinations, plusieurs temporalités et plus de 30 personnages, ainsi est construite la pièce Ogres de Yann Verburgh. Cette proposition dramatique soulève des questionnements sur les injustices et les inégalités liées à l’orientation sexuelle, et plus largement sur la liberté d’être et d’aimer. Ma proposition de mise en scène se base sur la polyphonie des voix, le partage des mêmes rôles et l’alternance des rythmes et des langues pour un ensemble de 5 acteurs, permettant de faire entendre des points de vue différents et subjectifs (ceux des victimes, des agresseurs, des familles, des témoins…) qui, réunis dans un espace commun, parviennent à former une parole chorale.


Être des acteurs-critiques, témoins actifs et spectateurs engagés du monde


Depuis cinq ans, je mets en scène des fables qui traitent de questions de société, de sujets politiques et sociaux, afin d’interroger les notions de normes sociales, d’identité et de liberté. Venant d’un pays, la Roumanie, qui a vécu pendant plusieurs décennies sous un régime dictatorial, j’appartiens à la génération qui s’est construite sur la chute de ce système et qui en porte l’héritage : un carcan idéologique qui imposait une pensée unique.
De fait, ma démarche artistique est de donner voix à des individus anonymes, des non-héros qui n’appartiennent pas à la majorité et qui n’adhèrent pas à la « culture dominante ». Je souhaite construire un théâtre ouvert aux voix minoritaires, à ce qui est en marge, aux révoltes contre des systèmes qui oppriment nos initiatives afin d’affirmer notre liberté d’expression.


Des « mots qui brûlent » ou l’urgence de faire résonner les voix de l’homophobie pour mieux la dénoncer


Ogres nous pousse à prendre connaissance de la réalité de cette forme de violence et nous incite à repositionner et changer notre regard sur l’injustice de l’homophobie. Dans une multitude de pays, l’homosexualité représente toujours un tabou et reste un sujet polémique et conflictuel, maintenant un état d’incompréhension, de peur, de rejet et de haine envers les homosexuels. Ogres aborde divers aspects de l’homophobie : préjugés, discriminations (inégalités de droit à l’emploi, au logement, aux services), harcèlements, violences, intolérances envers la « communauté LGBT », pouvant aller jusqu’au meurtre ou à la condamnation à mort institutionnalisée.


Sur l’équipe et la mise en jeu de l’acteur


Les membres de cette équipe sont tous des artistes pluridisciplinaires – acteurs, danseurs, musiciens – une équipe soudée et engagée à défendre un théâtre qui lutte pour le droit à l’égalité. Je souhaite travailler avec la sensibilité de chacun d’entre eux pour trouver – au-delà des masques, des étiquettes et des clichées – une vérité qui leur soit propre pour que la parole soit pleinement revendiquée et nourrie de leur vécu personnel. Je souhaite que ce spectacle devienne leur propre manifeste pour la liberté et créer ainsi un dialogue sincère avec le spectateur permettant à la catharsis de s’opérer.


Un conte politique et poétique sur « les ogres »


Ogres ouvre à un monde fantastique dans lequel les personnages cherchent leur identité individuelle et sociale. J’ai le désir de situer Ogres dans l’espace de la forêt : lieu de l’agression de Benjamin, mais aussi espace symbolique du conte, des peurs et des interdits. Également espace-jungle, où l’individu se perd et est livré à lui-même, lieu de solitude mais aussi échappatoire possible. Cet espace de la forêt va ainsi unir toutes ces histoires, tous ces pays, et leur donner une résonance universelle.


J’ai choisi avec la scénographe Velica Panduru de placer ces tableaux vivants au cœur d’un environnement très sonore : une « forêt-micro » qui capte, enregistre, amplifie les voix des personnages-acteurs. Ces voix, vivantes ou fantomatiques, résonneront comme des échos, rumeurs de notre monde. Le dispositif sonore permettra aussi de créer une forme de cartographie sensible en situant ces voix dans des territoires et des temporalités différentes (proches ou lointaines) clarifiant ainsi l’endroit de la parole et de sa réception par le spectateur : histoires entendues ou vécues au présent, médiatisées ou non, traces enregistrées d’une intimité ou de faits publiques.


Le son permettra également de conserver l’aspect documentaire du texte tout en le rendant plus sensible en empruntant des techniques utilisées dans les fictions radiophoniques (bruitages, montage etc…). La captation de sons du quotidien et du réel permettra d’augmenter la puissance d’évocation du texte et la capacité d’appropriation de ces histoires par les spectateurs. Donner à écouter et à entendre ce qu’il se passe, inviter le spectateur à prêter l’oreille : c’est aussi l’histoire de gens qui ne parlent pas, qui taisent leurs douleurs.


Je souhaite jouer sur des plans qui se croisent, faire coexister des situations ou univers apparemment opposés : introduire le spectateur dans des zones de turbulences, de troubles, et questionner ce qui est représenté sur scène, activer le regard critique du spectateur, interroger ainsi nos normes et nos valeurs, nos représentations. Donner une forme de spectacle de « reconstitution » afin de mieux déconstruire la pensée aisée.


Ogres est un conte sur l’urgence de faire preuve d’une plus grande ouverture face aux minorités, une proposition de casser les murs entre les territoires pour aller vers l’inconnu, l’accepter, l’approcher. Yann Verburgh nous propose une introspection au coeur de notre for(êt) intérieur(e), endroit inondé par des préjugés, des schémas et des « ogres » qui prennent le pouvoir sur nous. Ces histoires nous invitent à creuser dans notre sensible, vers une meilleure écoute et appréhension de nos proches, indifféremment de leur orientation sexuelle.


Eugen Jebeleanu

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