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Nulle part mais surtout hors du monde

+ d'infos sur l'adaptation de Delphine Horst ,
mise en scène Delphine Horst

: Présentation du projet de Delphine Horst

3 janvier 2008

Delphine Horst dit avoir perdu de vue le fait qu’elle travaille avec des personnes en détention. Ce sont des gens, qu’elle a rencontrés dans le contexte de la détention, mais ce sont avant tout des gens, des comédiens amateurs.
Selon elle, les contenus du texte contribuent à cet état de fait : miroirs tendus par l’auteur d’hommes disséminés sur la côte Nord-est du Groenland, éloignés des artifices et de l’insignifiance de nos métropoles surpeuplées. Elle se rappelle les mots du dessinateur Samivel; ils disent approximativement que l’homme au milieu de la foule est en quelque sorte pollué, tandis qu’au coeur de l’espace et des grands accents d’une nature indomptée, il ressent sa propre dignité. Alors à rôder et converser avec ces personnages que rien ne permet de déguiser, qu’aucun drapeau, credo ou titre ne saurait justifier, le stigmate social «détenu» se dissout bien vite face à la présence des personnes qui font ce projet. Abstraction qualifiante - et disqualifiante, liquidée par la réalité des êtres rencontrés.


Il y a une réalité de la détention, certes. Une réalité tangible, indéniable, un cadre dur. Le travail théâtral s’est réalisé au dos de ce cadre. Sur plusieurs mois et toujours en-dehors des prisons, dans des espaces de répétition prêtés par la ville, par des théâtres, à Saint-Gervais, aux heures libres du régime de semi-liberté. Certains, arrivés au terme de leur peine, ont poursuivi le travail. Mais Delphine n’oublie pas ceux qui ont légué leur part de trésor et n’ont pu poursuivre le projet parce que, ressortissants étrangers au terme de leur peine, ils restaient des détenus expulsables du territoire suisse.


Qu’ils soient amateurs, en revanche, voilà quelque chose qu’elle ne perd pas de vue : elle semble habitée d’un souci pédagogique. Elle ressent comme une urgence à faire entrer en friction le théâtre et la cité, à s’adresser à des personnes qui ne détiennent pas les «codes» du théâtre ni de la culture, pour lesquelles l’art est un luxe, un ornement. Pas des amateurs qui d’euxmêmes rechercheraient le théâtre ; des gens, au contraire, qui pensent que le théâtre n’est pas quelque chose qu’on peut faire mais quelque chose qu’on va voir. De fait, c’est surtout quelque chose qu’on ne va pas voir.


Dans sa recherche théâtrale, elle s’est interrogée sur ce que signifie, pour des gens qui ne sont pas professionnels, l’acte de repasser jour après jour sur des mots, de répéter à haute voix les mêmes chemins de pensée. L’espace verbal à incarner, cette aventure intérieure qui ne se laisse pas mesurer. Pour Delphine, il est nécessaire que du sang de vie circule dans les mots sur scène.


Avec l’idée que la rupture puisse prédisposer ceux qui la vivent à une urgence et à une qualité particulière de témoignage oral, sorte de postulat en amont de ce projet, il y a eu une aspiration à ce que ces porteurs de parole puissent, aussi bien et autrement que des initiés, nous inviter à un rapport palpitant au mot – nous dérouter et faire aussi la leçon aux professionnels. Mais dans le cas présent, la fable théâtrale a pris le pas sur ces accents ou témoignages de vécu et partant, jeu et récit appellent une initiation spéci- fique.


Demeure la gageure de passer d’une cellule à la scène, de l’oubli et l’éloignement forcés à la mise en lumière et en partage de sa présence. Il y a de la réinsertion dans le fait même de participer à un projet commun, qui se fait dans la durée, qui exige constance, régularité, solidarité et investissement. Cette participation, avec tout ce qu’elle comporte de contraintes difficiles pour des personnes ayant momentanément quitté le monde du travail, est le lien social rompu par la détention, et qu’on tente de retisser.


Ce que Delphine Horst retient des racontars arctiques de Jorn Riel, c’est le «vertigo polaire» : un état de crise lié à la disparition de la lumière, à l’isolement et à la routine. Un état qui commence comme une simple mélancolie et s’embrase pour atteindre une forme de folie. Des hommes qui s’accouchent les uns les autres en s’aidant mutuellement à sortir du vertigo polaire par des méthodes incongrues.
Ce qui est, pour elle, toute la magie du théâtre : la capacité à faire se lever des mondes nés de l’intérieur de l’homme, et à y retourner.

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