Dans une installation plastique composée de cailloux, d’objets-souvenirs, de couleurs et de bâches qui laissent transparaître des projections de leurs images mémorielles,

Stéphane et Jana se mettent à table et habitent leurs paysages multiples. Ils sont dans l’urgence de parler à leur fille de leurs identités respectives et notamment de la Shoah avant que le collège ne s’en charge. Ensemble, ils entrent dans le vertige d’une reconstitution intime. Ils réécrivent en direct le film tragicomique de leurs dix ans de vie commune et entrent dans le chaos de leur mémoire tronquée.
À la fois acteurs et régisseurs du spectacle de leur vie, ils extraient et agencent des bribes de leur passé, mettent en scène et en lumière les moments de bascule de leur relation de couple mixte : la rencontre, la grossesse, le prénom de l’enfant, la circoncision, les traditions, les croyances, la mort.

Dans un road-movie express, ils mènent une enquête identitaire fragmentaire, de la banlieue parisienne en Rhénanie, du quartier juif de Prague aux palmiers de Juan-les- Pins. Ils interrogent les parents de Stéphane sur leur rapport à la judaïté et leur désir de transmission. Ils visitent leurs morts : Ils recueillent le témoignage imaginaire du grand- père paternel de Jana, soldat dans la Wehrmacht et convoquent les grandes figures du cinéma allemand. La mère de Jana lui révèle l’histoire de son père tchèque résistant, interné à Dachau.

Dans un jeu de miroir, Stéphane et Jana se poussent dans leurs retranchements, composent avec leur angoisse et leur désir de disparition, avec la tentation de dévoration de l’autre. Ils cherchent à dessiner leur territoire commun. Dans leur volonté de faire acte de transmission et leur obstination absurde de dire la vérité à l’enfant, ils convoquent ALEXA et SIRI à leur rituel autofictionnel. Ils leur demandent d’être à la fois outil de recherche et témoins de leur investigation empirique pour en fixer l’essentiel.

Ils s’exposent alors au tout-venant d’internet, pour le meilleur et pour le pire. Dans leur tentative de se confier à la machine, ils s’engagent dans un dialogue qui ne les renvoie qu’à eux-mêmes.

Au sein d’une écriture plurielle, Jana et Stéphane composent avec des matières textuelles, philosophiques, musicales. Ils usent de tous les moyens pour éclater leurs univers et leurs codes respectifs. Ensemble, ils font ressurgir les monstres de l’Histoire.

Tour à tour, ils confient leur trouble et leur étonnement permanents face à l’être aimé et sa capacité à faire un pas de côté. Ils tentent de saisir ce qu’ils pourront bien transmettre à la génération future de leurs identités mouvantes et de la possibilité de construire une histoire commune.

C’est en restant au plus près de l’évolution de leur couple et des débats qui l’animent que Stéphane et Jana continuent à écrire le projet au quotidien. Le canevas dramaturgique évolue en dialogue constant avec le réel.