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Norway.Today

+ d'infos sur le texte de Igor Bauersima traduit par Réjane Dreifuss
mise en scène Andreas Westphalen

: Présentation

NOTE D’INTENTION


La pièce Norway.today du jeune auteur Igor Bauersima a eu un énorme succès en Allemagne, en Suisse et en Autriche. Ce texte est basé sur un fait-divers choquant : deux jeunes gens se retrouvent sur internet en vue de se suicider ensemble. En mettant en jeu les réflexions et les envies de ses deux personnages, Bauersima réussit à présenter le monde de la génération internet tout en posant des questions essentielles.
Prisonniers d’un monde de plus en plus autophage, les deux personnages créés par Igor Bauersima cherchent par leur décision suicidaire à insuffler au réel un peu de vitalité. Il faut comprendre qu’ils perçoivent le monde dans lequel ils vivent comme une interminable litanie de choses autrefois lues, vues, entendues, grevant ainsi chaque acte du goût amer du déjà-vu. Comment alors communiquer si tous les mots employés semblent vidés de leur sens ? Comment expliquer sincèrement son dégoût de la vie ? Difficile dès lors de se construire et de trouver des raisons de participer à cette mascarade, autant échapper à ce monde de simulacres une bonne fois pour toutes. Mais rien n’est si simple et encore moins à deux.
Norway.today joue, à mon sens, autant le réel et le virtuel qu’il se joue d’eux. Ainsi, la première partie de la pièce se déroule dans un chat room, espace par nature immatériel, mais qui prend corps dès lors qu’Auguste et Juliette entrent en contact. La seconde est située sur un fjord en Norvège, lieu opalin et minéral, successivement hostile (le gouffre ; 600 mètres plus bas la mort ; rien ni personne sur un rayon de quarante kilomètres) ou onirique (l’apparition d’une aurore boréale, vue et filmée par les deux personnages). De même, l’utilisation de la vidéo pour cette pièce n’est en aucun cas un effet de mode, mais au contraire un moyen de dédoubler la narration, de jouer avec la perception des spectateurs, de créer des univers parallèles, des simulacres, ce que la scénographie devrait, elle aussi, suggérer.
Ici, on touche au premier paradoxe de la pièce. En effet, les personnages ont beau ne pas être dupes de cette réalité déformée par l’univers de communication dans lequel ils évoluent, Juliette n’oublie pas d ‘emporter avec elle une caméra pour immortaliser leurs derniers instants. La caméra devient alors le troisième personnage de l’histoire. Dans le même ordre d’idée, le travail du son et de la musique réalisé par Jérôme Baillet devrait avoir une importance toute particulière. Ainsi, les voix des acteurs circulant dans l’espace grâce à un système de sonorisation 5.1. , se mêleront à la musique permettant ainsi de matérialiser en quelque sorte l’espace labyrinthique dans lequel se déroule la première partie de la pièce (un chat room : lieu par nature virtuel, abstrait). Un extrait du travail sur l’environnement sonore accompli à ce jour est d’ailleurs joint à ce dossier, afin de vous donner une idée plus précise de l’esthétique générale de ce projet.
C’est pourquoi je compte avec les acteurs rester au plus près du texte et des situations créées par Bauersima, en veillant à éviter l’excès ou la dédramatisation. C’est une quête d’équilibre qui sera d’autant plus facile que les personnages eux-mêmes ressentent cette instabilité, comme dans la seconde partie de la pièce qui se déroule au bord d’un gouffre. Cela exige donc des comédiens un jeu très physique -« on the edge » comme on dit en anglais, ce qui, pour le coup, correspond parfaitement à ce que je souhaite montrer- qui les oblige en permanence à rester concentrés sur la présence du vide. Je suis très attaché à la manière dont ce texte parvient à pousser à leur paroxysme les différentes émotions sans jamais tomber dans une musique mélodramatique. La tendresse, la colère, la haine, le désir, l’incompréhension, la frustration, l’amour, la proximité de la mort potentialise toutes ces énergies et donne à chaque parole un poids déchirant. Le récit exige cette tension permanente.
Pièce de vertiges et de paradoxes ouvrant de grandes possibilités artistiques, Norway.today constitue une interrogation contemporaine sur notre monde et sur l’altérité, Ce texte d’une grande richesse ne limite pas son propos à montrer les préoccupations de deux jeunes gens du XXIème siècle ou encore à poser des questions essentielles sur une époque qui, quoique marquée par l’individualisme, laisse de moins en moins de place à l’individu. Les béances qu’elle ouvre révèlent des gouffres bien plus profonds.


Andreas Westphalen

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