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Noce

+ d'infos sur le texte de Jean-Luc Lagarce
mise en scène René Albold

: Regard acéré sur les turbulences d'une fin de siècle

Il nous conte la fin d'un système d'organisation sociale basé sur une conscience citoyenne.

Jean-Luc Lagarce jette un regard acéré sur les turbulences d'une fin de siècle qui met à bas les valeurs fondatrices de nos sociétés. Il en grossit le trait avec un sens subtil de la distance qui engendre toute la force et la théâtralité de son oeuvre.
Avec son impertinente légèreté, il nous conte la fable éternelle de la quête du pouvoir. Il le fait au regard de la société d'aujoud'hui qui dans sa perpétuelle fuite en avant, confond dans une lente implosion les valeurs démocratiques et économiques. Dans une écriture visionnaire et sarcastique, il nous conte la fin d'un système d'organisation sociale basé sur une conscience citoyenne.
Le citoyen, rétrogradé au rang de consommateur et rivé à sa logique consumériste ne trouve son salut que dans cette place au banquet. Son aspiration à y participer n'a d'égal que la terrible nécessité d'être.
Pour trouver sa place au banquet collectif, tout est bon et semble justifié devant l'injustice flagrante que représente l'exclusion du plus grand nombre à cette cérémonie de la consommation. Pour y parvenir on usera du mensonge, de la ruse, du pillage et même de la révolution et de la prise du pouvoir.
Celle-ci ne consistera qu'à s'emparer des symboles, les biens et les objets changent de propriétaire. C'est l'ivresse de cet instant où englués dans leurs certitudes qu'ils croient nouvelles, sans regard sur l'histoire et sans imaginer l'histoire future, les personnages de Noce, faux vainqueurs, instituent à leur tour le mensonge et la tricherie.
Sans regard sur eux-mêmes, ces hommes et ces femmes perpétuent l'histoire des prises de pouvoir et sont aveugles à la force inerte qu'ils mettent en place. Dans la béatitude de ces temps nouveaux, si longtemps et si profondément recherchés, ils reconstruisent un monde qui ne pourra qu'engendrer les mêmes maux et les mêmes exclusions. C'est une profonde réflexion sur nos capacités à réinventer un autre processus de relation sociale, une nouvelle idée de la démocratie que nous convie l'auteur.
Noce fut écrit en 1982.
Nous travaillons les personnages dans une oscillation. Un jeu volontairement décalé, une silhouette dessinée dans ses moindres mouvements, un visage maquillé de blanc donneront à voir ces entités émotionnelles. Dans une distance toute théâtrale, les personnages nous jouerons la terrible histoire de leur lente et irrésistible ascension.
Ils portent dans leurs bagages des désillusions et les espoirs de toute une humanité. Jean-Luc Lagarce les dépeint à la limite du grotesque et d'une immense tendresse.
Ces femmes et ces hommes s'agitent avec une désespérance qui dans l'excès devient comique, jusqu'au moment où l'on s'aperçoit que l'on rit de nous-mêmes...
Le registre de jeu résolument expressionniste servira une forme théâtrale où les corps et les mouvements, les voix, la musique, se conjugueront pour donner une image exacerbée et poétique de cette quête de l'existence.
Au delà de toute psychologie, ces femmes et ces hommes seront les marionnettes d'une grande farce jubilatoire et émouvante sur le monde d'aujourd'hui.
Sur scène, deux musiciens semblent être des "rescapés" de la noce. Un contrebassiste et une violoniste rythment le spectacle et le récit de cette folle journée. D'abord figés à l'entrée, ils reprennent vie au fur et à mesure que l'histoire se reconstitue.
Ils sont à la fois l'écho dramaturgique de la fable et les accompagnateurs de cette noce que n'en finit plus de s'éteindre et de renaître. Ils semblent être et avoir été et créent par leur musique cette relation trouble au temps théâtral.
Dans cette propriété, la table de noce circule de pièce en pièce, interminable et tentaculaire.
C'est un labyrinthe qu'il faut parcourir en déjouant les pièges, les impasses. Le désir des personnages est d'arriver au plus près des mariés. Ils veulent trouver une place à cette nouvelle "sainte table"
Nous retenons cette table labyrinthe à parcourir...
Elle devient le lieu de la théâtralisation du récit, elle devient piste de danse, couloir interminable, radeau de survie.



René Albold

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