: Entretien avec Wayn Traub
Un processus de création original
Vous incluez toujours une longue phase de préparation dans vos spectacles. En avez-vous fait de même pour N.Q.Z.C?
Mon intention avouée est de faire des spectacles
de théâtre pour la grande salle et pour
un grand public. Je crois que cela n’est possible
que par l’alliance de la sincérité et du
métier. Par sincérité, je veux dire une expérience
authentique du monde, et par métier,
je renvoie à la maîtrise technique, nécessaire
à l’expression de cette sincérité. Je suis persuadé
qu’au travers de l’histoire du théâtre,
nombre de techniques, ont été développées
pour exprimer les sentiments, techniques
auxquelles la nouvelle génération a trop peu
recours. Ce sont de nouvelles combinaisons
de ces techniques que je veux essayer. Pour
arriver à maîtriser sa discipline, l’étude et le
temps sont indispensables. Un processus de
répétitions ne permet pas de véritables
recherches. C’est pourquoi je fais précéder
mes grandes productions par une période
expérimentale. Cela en a été le cas pour
Maria-Dolores et pour Jean-Baptiste. Et il en
va de même pour N.Q.Z.C. Pendant plus
d’une demi-année je me suis retiré avec
quelques acteurs dans une phase de
recherches, que j’ai intitulée Arkiologi. Au
cours de cette période, j’ai cristallisé
quelques questions qui me tourmentaient : la
manière de raconter une histoire, les formes
du jeu rituel, la fusion entre la mythologie
antique et la mythologie contemporaine. Je
suis tout aussi fasciné par un récit médiéval
que par une histoire de science-fiction. J’ai
été élevé chez les jésuites. J’éprouve un profond
respect pour la maxime nova et vetera:
seuls la connaissance de l’ancien et le regard
critique sur le nouveau mènent au progrès. Je
voulais fouiller jusqu’aux racines de l’art dramatique,
mais aussi pour trouver des émotions
profondément enfouies. Cela s’est fait
avec des hauts et des bas, comme c’est la
règle dans toute recherche. Ce que j’ai trouvé,
j’essaie maintenant de le traduire vers la
production pour la grande scène.
N.Q.Z.C est un sigle pour l’inquisition. Pour
moi, il s’agit d’un questionnement en profondeur
de la forme et de la teneur de mon
théâtre. Car ce que je fais, c’est finalement
une forme de théâtre d’auteur. Je cherche
une expression personnelle des signes universels.
C’est comparable, du moins je le
fais, à peindre ou à composer de la musique.
Dans quelle mesure N.Q.Z.Ccombine-t-il l’ancien et le nouveau ?
Dans N.Q.Z.C, je mets trois mondes en
balance, ou plutôt : je les mets en contact et
je regarde ce qui se passe. Le premier
monde est celui du drame médiéval, qui est
joué de façon très statique. À ses côtés se
déroule un « soap » débordant d’émotions,
joué de façon très réaliste. Et enfin, il y a le
monde de l’inconscient, un récit de sciencefiction
du mythe d’Orphée. C’est un monde
où ne règnent que les images, les mouvements
et les chorégraphies. Ces trois univers,
je les imbrique les uns dans les autres. La
musique joue un rôle important, et même de
premier plan, bien plus que dans mes productions
précédentes. Les acteurs jouent
dans les trois mondes différents. Cela se traduit
par de nombreux échos dans les lignes
de narration et les situations. J’ai écrit le
script de pair avec l’auteur Paul Pourveur.
C’est la première fois que je travaille avec un
écrivain. C’est l’un des fruits qu’a portés la
recherche Arkiologi. L’un des autres est l’introduction
du jeu réaliste sur la scène. Et
cette fois-ci, il n’y a pas de film dans le spectacle.
Quels sont les thèmes de N.Q.Z.C ?
Les lignes thématiques tournent autour de « la perte » et du « sacrifice ». Le fil rouge est celui d’un astronaute qui part en quête de sa bien-aimée perdue. Ce fil rejoint l’histoire médiévale d’un diable qui dupe un jeune homme et lui fait ainsi perdre sa bien-aimée. Enfin, l’histoire d’Orphée est celle de la descente au royaume des ombres, à la recherche de son amante morte. Aux côtés de l’astronaute se tiennent trois personnages « réels »: un/une biologiste, une/une dansethérapeute et un/une psychologue. Tous trois entretiennent un rapport personnel à leur perte et à leur sacrifice. N.Q.Z.C est pour moi l’étape idéale pour le troisième volet de ma trilogie Maria-Magdalena.
Les acteurs ont un apport important dans votre travail. En a-t-il aussi été le cas ici ?
Je collabore depuis sept, huit ans déjà avec Simonne Moesen. Elle a été une importante source d’inspiration pour la trilogie. Elle maîtrise parfaitement les disciplines de l’art dramatique et de l’écriture. Elle passe sans mal aucun d’un monde à un autre. Ludmilla Klejniak a joui d’une formation dramatique classique, mais elle peut danser, chanter, écrire… Mes acteurs sont des hommes ou des femmes orchestres, bien plus que de bons acteurs. Ce sont des « danseurspoètes ». Jean-Benoît Ugeux et Didier De Neck sont eux aussi metteurs en scène, mais cela ne les empêche pas d’interpréter le concept d’un autre. Mes collaborateurs sont friands de risques artistiques, et sont prêts à les assumer. C’est d’une importance capitale pour moi, car mes spectacles sont tous des créations. Tout est nouveau. Pour Maria- Dolores, les acteurs avaient participé à l’écriture du texte. Il en ira de même pour Maria-Magdalena. Pour N.Q.Z.C, j’ai opté pour un auteur parce que je voulais essayer d’autres choses. Il est parfois fructueux, dans la phase de recherche, de travailler avec d’autres partenaires artistiques. Ainsi, on évite de répéter son numéro à succès et de tomber dans la routine.
Interview de Wayn Traub par Erwin Jans
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