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: Note d’intentions

Müller a été une révélation personnelle, autant que générationnelle. Je l'ai d'abord découvert grâce à Jean Jourdheuil et Jean-François Peyret, mais c'est plus tard Heiner Goebbels qui marqua, comme pour beaucoup d'autres, mon rapport à la scène et au texte, à la scénographie et au langage, au sens dans le son. Le couple Goebbels/Müller est explosif, par leur capacité identique à saisir l'Histoire tout en s'en libérant. Chez le compositeur comme chez l'auteur, il y a la même profonde connaissance de leur art, et la même irrévérence à son égard : une sorte de déconstruction, un recyclage du matériau pour une nouvelle mécanique de création. C'est cette machine que je me propose de mettre en oeuvre, dans la continuité et la rupture d'une filiation finalement très müllerienne.


Une autre influence majeure, liée à Heiner Müller mais de façon décalée, est celle de Bob Wilson. Son travail sur la lenteur et sur l'image est une des sources importantes pour ce projet. Ici, pas de cyclo bleu ni de scénographie spectaculaire, mais une attention similaire au langage des mains, à la géométrie du plateau, à une certaine épure du réel. Et également une dramaturgie de tableaux articulés par des « knee pieces » parfois uniquement musicales ou visuelles.


Les textes choisis ne sont que des monologues, sélectionnés pour leur force dramatique et philosophique, mais également dans la perspective de les confier à Denis Lavant. J’ai travaillé avec Denis Lavant à plusieurs reprises déjà : sur des spectacles où il donnait des textes de Luc Boltanski ou Olivier Cohen, mais également lors de performances purement bruitistes. Acteur inspiré, il est aussi un érudit et un passionné de littérature, qui régulièrement me fait découvrir de nouveaux auteurs. Il est heureux qu'à mon tour, je lui fasse découvrir ces textes de Müller qu'il n'a encore jamais joués.


Il y a, dans « Paysage sous surveillance », « Nocturne », ou « Libération de Prométhée » une dimension beckettienne, une séduction immédiate de langue, des idées, des images et des thèmes associés à une dynamique de l'action, imaginaire ou pas. J'imagine ces blocs d'émotions littéraires présentés sur scène quasiment bruts, dans le dénuement de leur force intrinsèque. Des séquences presque plastiques et chorégraphiques, figées dans la contemplation d’univers fantasmagoriques. Des blocs qui s'entrechoquent, assumant la violence des rapprochements, enchaînements brutaux d'un espace à l'autre, déferlantes sonores remodelant par à-coups la « Bildbeschreibung » [1].

Notes

[1] « Description de l'image », titre original de « Paysage sous surveillance ».

Wilfried Wendling

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