Monsieur Paul a beaucoup embrassé, a-t-il bien étreint ? Étreint au point d’aimer puis de laisser aller ? au point d’aimer puis d’étouffer ?
Pour l’heure, tout semble arrêté autour de lui. Il est « mollement étendu sur le grand canapé » et il nous dit :
« stop, stop, stop, arrêtez je vous dis, cessez de courir comme ça vers l’abîme »
Une lettre est pourtant arrivée – elle annonce un projet. Un projet très concret pour ici et maintenant.
Un projet au moment où Monsieur Paul s’interroge sur le passé
« il y a de quoi se demander si tout cela valait la peine…on se demande… » Mais le porteur du projet est déjà là et peut-être a-t-il écouté Monsieur Paul :
« il rit si gentiment et il est si jeune »
Comment le jeune homme a-t-il pu entrer dans ce lieu clos, oublié du monde depuis si longtemps ? Il avait une clé ? oui !
« Une vieille clé… un morceau de ferraille comme ça ! Eh bien, elle ouvrait ! »
Et d’où vient-elle cette clé ? d’ un héritage ! Et cet héritage, d’où venait-il ?
D’une spoliation bien sûr : une sorte de crime.
Le savait-il le jeune homme héritier ? Non, bien sûr.
Monsieur Paul, lui, depuis longtemps ne veut pas « marcher ».
« Je regarde mes pieds, minces et plutôt petits, peu utilisés, – ils sont délicats comme une petite patte de chien ! »
Le jeune homme lui ne peut pas s’arrêter : des mondes sont sur ses talons, bientôt ils seront là, ces mondes antagonistes et inconciliables :
Lilo l’impulsive jeune femme, imprévisible comme l ‘amour,
Schwarzbeck l’affairiste, le Monsieur Plus des investissements en tout genre,
Monde encore d’Anita, celle qui ne sait que dire non, mais qui le dit bien
Monde enfin de la mystérieuse Mademoiselle Louise, qui sait parfois abandonner le terrain pour mieux le reconquérir.
« Alors qu’est ce qu’on va faire de vous si toutes vos entreprises échouent aussi lamentablement ? Il faut que nous trouvions une idée. Paul, qu’est ce que tu en dis, tu as une telle expérience ! Il y a bien des métiers où l’on ne peut pas échouer ! où le talent ne joue aucun rôle…Guide pour touristes…Conducteur des wagons-lits… Ce sont souvent des personnalités un peu tordues…Ah, je n’en sais rien non plus. Je n’ai pas d’expérience. Donne-lui donc un conseil : qu’est ce qu’il doit faire, ce jeune homme ? Tu as toujours une idée. Tu es si bon psychologue. Paul ! – Voilà qu’il s‘est endormi. Cela faisait sans doute trop, pour lui. Maintenant, je mets mon disque. »

Gilles Chavassieux