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Monsieur Müller rêve

mise en scène Vincent Guillaume

: Présentation

Résumé


Monsieur Müller rêve aborde la déchirure du sujet qui fonde toute expérience humaine comme découverte qu’en nous-mêmes quelque chose combat contre ce que nous pensons ou aimerions être : la personne que nous sommes n’est pas le personnage qu’elle s’imagine, elle n’est peut-être même pas une personne. Combat de soi contre soi qui affleure davantage dans nos rêves que dans l’activité somnambulique de nos veilles, combat où nous nous découvrons, au miroir de l’autre, radicalement étranger à nous-mêmes.


Monsieur Müller rêve est construit à partir de trois «rapports de rêve» de Heiner Müller : Texte-rêve octobre 1995, Avis de décès, et L’homme dans l’ascenseur. La version originale (allemande) de chacun de ces textes est croisée avec sa traduction (française). L’alternance entre les deux langues est réglée de sorte que textes et traductions progressent conjointement. Rendue d’emblée explicite par la mise en scène, cette convention garantit que, même à l’écoute de la langue étrangère non surtitrée, le spectacle est accessible à tous.


Monsieur Müller rêve est la deuxième partie de 3Combats/3Kämpfe, une suite de trois spectacles distincts de 1h30 environ. 3Combats/3Kämpfe constitue dans son ensemble un triptyque théâtral : ce programme de travail, au fil des saisons, oriente notre pratique, assure sa cohérence et permet son approfondissement. Notre précédent spectacle, Impressions d’Antigone, fut la première étape de ce programme initié à Leipzig et poursuivit, en France, avec L’Echangeur de Bagnolet.




Comme des papillons morts


«Le texte cherche à décrire le rêve.


La description ne peut être qu’une inlassable redescription, une falsification.
La contrainte de présenter la fuite des images dans une succession,
comme des papillons morts dans un présentoir,
produit l’illusion de la signification ».


Heiner Müller


Les textes rassemblés dans Monsieur Müller rêve relèvent d’un même type d’écriture de Heiner Müller: les «Traumberichte», ou rapports de rêve. Ici, le matériel onirique est le point d’appui à partir duquel le travail de la description montre, derrière la biographie officielle que chacun construit pour se donner une histoire et un visage cohérents, le flottement irréductible du sens de la vie. La description des rêves, dans ces trois textes, ne vaut pas seulement pour les significations successives qu’elle égrène, ces papillons morts épinglés dans nos dictionnaires. Elle vaut pour ses manques, ses ruptures logiques. La langue, transmuée en parole par le théâtre, produit ainsi un mouvement second du sens qui déborde la simple signification des mots. Et cette parole, au contact du rêve, redevient le chemin toujours ouvert où, aux bifurcations de ses silences, chacun entend qu’il s’égare, se perd lui-même. Car au miroir de cette parole-là toute identité se brise.


Texte-rêve octobre 1995, Avis de décès, et L’homme dans l’ascenseur nous font ainsi sentir que le flottement du sens de nos vies, malgré les fictions apaisantes de nous-mêmes que nous construisons pour le cacher, est irréductible. Que peut faire alors l’«individu» contemporain placé tout à coup devant cette urgence de sentir qu’il n’est plus stable, qu’il n’est plus indivis ? Rencontrer la peur ? Ou bien la liberté ? Ne s’agit-il pas ici d’un nouveau «Combat/Kampf» que doit maintenant affronter la condition humaine occidentale depuis que, privée des utopies qui naguère encore lui donnaient l’illusion de son unité, elle reconnait qu’elle n’a plus de visage ? Monsieur Müller rêve tente une approche théâtrale de cette humanité éclatée, de plus en plus réduite en miettes, et qu’aucun «personnage» ne saurait dorénavant «incarner».


Vincent Guillaume, mise en scène




Jeux de langues


Une partie centrale de notre travail consiste à mettre en scène le décalage qui demeure, irréductible, entre des versions linguistiquement différentes d’une même histoire, notamment en croisant les textes originaux avec leur traduction dans la langue de l’autre. Le théâtre donne alors accès aux couleurs et aux saveurs que porte cette autre langue, et donc à la sensation du monde qu’elle implique. Le temps passé à l’écoute de la langue étrangère, ainsi organisé par la mise en scène, n’est pas un temps perdu. Monsieur Müller rêve, comme les deux autres parties de 3Combats/3Kämpfe, s’adresse ainsi à tous ceux qui comprennent soit le français, soit l’allemand, sans nécessairement comprendre les deux.


Il vaudrait même mieux ne pas comprendre les deux. Car la langue incomprise rend incomparablement sensible le fait que toute parole s’enracine dans le corps et dans l’histoire de celui qui parle, et non dans les significations closes que le langage produit. Privée de significations, la parole se laisse entendre en nous débarrassant de la volonté et du devoir de comprendre : ouvrant l’espace du sens, elle libère l’imaginaire. Privée de significations, elle nous met à l’écoute du souffle, du rythme, du timbre, de tout ce qui l’enracine dans le vivant palpitant et incertain qu’elle traverse. Là est donc aussi le spectacle, chacun disposant en outre, parallèlement, de sa langue maternelle pour comprendre tout ce qui se joue en sa présence. Du coup, plus besoin de ces surtitres qui aveuglent le théâtre et le rendent sourd.


L’alternance entre les deux langues, français et allemand, est réglée de sorte que texte et traduction progressent conjointement. Rendue d’emblée explicite par la mise en scène, cette convention garantit que, même à l’écoute de la langue étrangère, le spectacle est accessible à tous. Certes, d’une langue à l’autre, irréductible, le décalage demeure. Tradutore, traditore… et c’est une chance pour la mise en scène. L’interprétation des acteurs (français et allemands), nécessairement différente d’une langue à l’autre, permet de varier les points de vue, d’ouvrir des significations multiples qui se complètent, se contestent, s’enrichissent mutuellement.




2 voix + 1 chœur


Le sujet, ce « je » qui parle dans les trois textes de Müller ici rassemblés - tous sont en effet écrits à la première personne - est toujours multiple, brisé, diffracté. Le choix de répartir le matériau textuel original en deux voix, l’une allemande et l’autre française, vise à restituer ce morcèlement du « je ». Que l’une soit féminine, portée par Christiane Boy, et l’autre masculine, portée par Hugues Dangréaux, signale aussi son ambivalence au regard de la différence des genres/sexes, et donc cette sorte de méconnaissance singulière de soi qui, pour beaucoup, nous caractérise.


Le choix de compléter ces deux voix étrangères par un chœur, résultat d’un travail réalisé au fil des quatre ateliers de pratique théâtrale que la compagnie anime à l’Université de Nanterre, vise à éviter toute psychologisation, à garantir la diffraction de ce « je » en une pluralité de corps. Le chœur permet ainsi d’ouvrir le sens des textes en l’universalisant : Monsieur Müller, ce n’est pas Heiner Müller que viendrait « incarner » l’un des acteurs, mais c’est aussi bien M. Schmidt, Mme Dupond ou M. Durand, et ainsi nous tous, collectivement. Et lorsque Dupond rencontre Schmidt, son alter ego, son identique, ce jumeau qui lui raconte sa propre histoire, mais dans une langue qu’il ne comprend pas, alors chacun rencontre, devant son double, le miroir de sa propre énigme.




3Combats/3Kämpfe


Combat/Kampf#1: Impressions d’Antigone / Antigone Impressionen évoque la lutte pour survivre à la guerre, pour se sauver de la barbarie collective en préservant quelque chose de l’humanité quand tout menace de l’anéantir, lorsque la vie même n’est plus : alors il reste encore à s’assurer de l’humanité de la mort, à récupérer les cadavres sur le champ de bataille, non pour en faire des héros, mais simplement des défunts. Ce spectacle assemble trois textes : Antigone, ou le choix, de Marguerite Yourcenar ; Die Berliner Antigone, de Rolf Hochhuth ; La croix de fer, de Heiner Müller. Première version présentée à Leipzig, Theater Wer II, en nov.-déc. 2003 ; seconde version à L’Echangeur, Bagnolet, en fév.-mars 2005.


Combat/Kampf#2: Monsieur Müller rêve / Herr Müller träumt


Combat/Kampf#3: SEXES évoque les luttes de l’amour qu’impose la différence des sexes : luttes pour que l’autre reconnaisse l’amour que nous lui portons, pour qu’il nous en paye le prix en retour en vouant son désir tout entier à notre personne, selon une logique que détermine la différence des sexes. Ce spectacle assemble trois extraits du journal d’Anaïs Nin. Le premier, avec humour, évoque son expérience de la satisfaction (masochiste) du désir de l’autre (sadique). Le deuxième sonde les troubles conditions d’un rapport sexuel qu’Anaïs Nin vécut avec son père : ces pages témoignent avec force et pudeur de l’ambivalence d’un désir incestueux non pas subit, mais partagé. Dans le dernier morceau choisi, Anaïs Nin évoque son désir d’enfant et la négation de ce désir à travers son expérience de l’avortement. C’est donc du point de vue du désir féminin que ce spectacle explore les différends que provoque la différence des sexes. Ce spectacle sera présenté en France et en Allemagne au cours de la saison 2006/07.

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