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Même

Pierre Rigal ( Chorégraphie )


: Entretien avec Pierre Rigal

Propos recueillis par Pierre Notte

L’idée de départ de Même, le déclic, bien avant les premières répétitions, qu’est-ce que c’était ?


À vrai dire, il n’y a pas d’idée de départ ! Tout est venu d’un laboratoire sans sujet, sans idée. J’y ai réuni sept personnes, je voulais travailler sur la connexion entre la narration, un texte, la parole, la musique et le mouvement. C’était une nouvelle expérience pour moi. Une écriture de plateau, improvisée pendant le temps de la création. Dès les premiers jours est arrivée l’idée d’un accident de voiture. C’est un point fondateur du spectacle. L’accident a engendré un certain nombre de réflexions, d’improvisations, dont une autour du mythe d’Œdipe, qui tue son père lors d’un accident de char. Tout cela a fait écho, et c’est l’appréhension de la réalité qui nous a intéressé. Œdipe perd ses repères, toutes les évidences sont remises en cause. La névrose elle-même, celle dont parle la psychanalyse quand elle saisit le mythe d’Œdipe, a pour principe la répétition d’un schéma, d’un système dont on sait qu’il est nocif, on le reproduit en pleine connaissance de cause... Mais nous nous sommes éloignés de ces thèmes, pour nous concentrer sur la répétition, et sur le titre Même, qui nous permettait de travailler sur la folie, la mise en cause des apparences, des évidences, les appréhensions erronées de la réalité.


Ce mot, « même », qu’évoque-t-il pour vous ? Quel spectacle en découle ?


Le mot lui-même, « même », est paradoxal... Puisque « même » désigne une chose qui est à la fois une même chose et une autre. C’est impossible, c’est un oxymore en soi ! L’idée du « même » me permet de remettre en cause les évidences du temps, du réel... Il existe aussi le mot « mème » avec un accent grave, qui désigne un phénomène social précis qui se répète, qui se reproduit par transformations successives, qui se forme par mimétisme. C’est en association au mot « gène », qui est un phénomène biologique qui se transforme par reproductions au fil du temps en accumulant différentes erreurs.... Par analogie, le mot « mème » désigne un phénomène social qui se transforme par nuances, qui évolue au fur et à mesure des décalages...


Vous avez choisi un espace blanc, immaculé... Est-ce l’endroit du laboratoire, de la recherche ? L’idée d’un endroit de pureté ?


C’est un espace blanc, éclairé en plein feu, comme dans un laboratoire. Nous sommes dans un réel lieu de répétition. On répète sans costume, sans lumière, sans effet. Tout apparaît d’une manière d’abord banale. Tout repose sur les acteurs et les danseurs qui créent un univers dans cette page blanche. C’est le risque que nous avons voulu prendre. Mais on ne va pas en rester là ! Il y a des surprises, des renversements...


Le mouvement originel, que vous allez tenter de reproduire avec vos performeurs interprètes, quel est-il ? Le geste initial ? Le mouvement du départ ?


Sur scène, on verra des acteurs répéter un spectacle, sans qu’on sache de quel spectacle il s’agit. Ils essaient de compter les temps d’une chorégraphie, ils ne sont pas d’accord. Quand un comédien arrive en retard, tout se décale, il provoque des nouvelles répétitions, des écarts spatio-temporels, des perturbations pour tous les personnages qui ne comprennent plus ce qui leur arrive... Ils refont les mêmes choses, de différentes manières, ils recommencent, jusqu’au vertige...


L’humour, dans votre travail, et la fête ou la joie ont-ils été jusqu’ici aussi présents ? Est-ce une nouveauté pour vous ?


On entretient le décalage entre l’humour et l’angoisse, toujours, du mystère et de la profondeur... Les personnages sont pris dans une boucle de temps un peu bizarre, quand ils tentent de répéter une comédie- musicale, la partition jouée en direct tient une place importante... Sur le plateau, on est dans l’absurde, le loufoque. Les personnages se perdent, n’y comprennent plus rien, ils sont dans l’échec, perdus dans une boucle, au ralenti ou en accéléré... Les sujets sont graves, mais on reste dans la drôlerie, on ne craint pas d’effleurer la stupidité ! C’est cette exagération qui provoque du trouble et du mystère. Il y a le rire, l’angoisse quand des phénomènes étranges se produisent ou se reproduisent.


Vous mêlez le texte, le mouvement, la danse, la performance, l’improvisation dans une « comédie-musicale expérimentale ». Vous travaillez à inventer un nouveau genre ?


Même est une forme pour moi très inconnue, plutôt originale. Parce que j’essaie de faire, à chaque spectacle, des choses que je n’ai encore jamais faites. Je ne me réfère qu’à moi-même, je n’ai pas la prétention d’inventer quoi que ce soit, mais j’aime prendre des risques, travailler ici avec un texte, ce qui est nouveau pour moi, une parole qui revient, dans une chorégraphie de mots qui se transforment. Nous partons d’un « pas grand-chose » qui va s’amplifier, se transformer, prendre une importance folle, dans une chorégraphie de mots, de musiques, de mouvements qui se répètent, dans la danse, la musique, la chanson et le théâtre.

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