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Maaarch

+ d'infos sur le texte de Issam Bou Khaled
mise en scène Issam Bou Khaled

: Présentation

Ils sont neuf. Neuf soldats de misère et d’infortune emportés dans une tourmente dont ils ne mesurent ni les raisons ni les enjeux.
Neuf pauvres types sans langue ni drapeau, venus de nulle part c’est-à-dire de partout. Neuf hommes et femmes qui tentent de s’aimer, tuent et s’entretuent jusqu’au dernier souffle de l’ultime victime.
Tous ont l’obéissance aveugle aux ordres dictés, proférés, aboyés par un petit chef masqué, dans une langue faite de borborygmes empreints de quelques traces d’espagnol, de japonais, d’hébreu et, bien sûr, d’arabe.
Neuf fiers à bras de pacotille, tristes sires sur lesquels planent les ombres de l’armée morte de Kantor et des guerres de notre temps.
Neuf fantoches hirsutes, menaçants, renaissants de leur pauvre mort, éperdus sur cette scène de bataille où viennent s’immiscer les images d’autres combats, d’autres fureurs, depuis celles que connut le Liban où est né ce spectacle jusqu’aux plus récentes menées à des milliers de kilomètres d’ignorance par des « libérateurs » aux féroces convoitises.
Ces pantins, bringuebalés et prêts à tout, Issam Bou Khaled les confronte à la poésie de Kurosawa, aux musiques d’Indiana Jones ou de Rencontres du troisième type, aux actualités de CNN et à la triste barbarie du monde.
Ainsi le monde tangible des acteurs est celui du magique, du burlesque et de l’absurde tandis que l’effroyable réel surgit par le biais de l’écran et le prisme des images.
Combat de hères et de chiens lorsque seule reste la dérision face à la déraison.




« Taire sa gueule et obéir sans rouspéter » [1]


Ils sont du Liban comme Ubu était de Pologne. Ils sont de nulle part c’est-à-dire de partout.
Ils sont neuf. Neuf clones tristes sur la piste des batailles qui nous emportent vers des lointains fracassés que nous aurions tendance à oublier. Neuf pauvres types sans langue ni drapeau, soumis par une obéissance aveugle à des ordres aboyés, beuglés par un petit chef masqué qui pourrait être l’un d’eux.


Leur mascarade tragique évoque la guerre, celle du Liban et celles d’autres lieux et d’autres mémoires. Les images se succèdent, en appellent d’autres et elles nous convient à d’autres lectures. Alors, tour à tour, surgis de l’écume des souvenirs, s’en viennent des personnages, des bribes, des instants...
Il y a, bien sûr, tout droit sortis des entrailles de l’absurde, les écoliers perdus de La Classe morte de Kantor, ces pauvres vieillards flanqués de leurs fantômes d’enfance transformés en poupées…
Il y a leur maître à tous, Le brave soldat Chvéïk, dérisoire fantoche enrôlé dans l’armée autrichienne apparu sous la plume météore du Tchèque Jaroslav Hasek, et, plus tard, repris à la scène par Erwin Piscator et Bertolt Brecht.
Le cinéma est là aussi, avec Kurosawa en ombre... japonaise, et tandis que se font entendre les musiques d’Indiana Jones ou de Rencontre du troisième type, on ne peut s’empêcher de penser à d’autres films, à d’autres figures. Au Charlot soldat, égaré dans la fumée des canons jusque sur les lignes ennemies. Aux casques espagnols des folies conquérantes du côté de l’Amérique latine et de l’or vert, avec Fitzcaraldo et Klaus Kinski, à jamais halluciné dans les forêts amazoniennes et dans les délires d’Aguire ou la colère de Dieu. Enfin, avec cette presque homonymie du titre, il y a M.A.S.H., cette autre dénonciation de la guerre (de Corée cette fois !), de ses bourbiers, de ses fièvres, de ses enfers artificiels, de ses fantasmes et délires.
À chacun ses références, ses déférences. À chacun son puzzle d’oublis et de mémoire recomposée. À chacun de tirer sur les ficelles de son imaginaire.


Ainsi font, font, font les pitoyables petits pantins de pacotille, les automates farceurs de toutes les guerres perdues, les pauvres bougres emportés dans un délire dont ils ne mesurent pas la première offensive. Ils sont là, hébétés, apeurés, fiers à bras, hâbleurs et trouillards et, pour tout dire, humains. À la fin du spectacle, on les entend dire : « C’est la dernière, la der des ders », « Jamais plus », « Never more», « Nunca mas », et d’autres de conclure avec Prévert : « quelle connerie la guerre ».
On ne les entend pas ? On aurait pu ! Tant les cris et les borborygmes qu’ils profèrent vomissent les sous-entendus et les non-dits... intelligibles.


Bernard Magnier

Notes

[1] Mention sur une caricature du soldat Chvéïk de George Grosz

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