Ce que je cherche formellement se situerait entre une fiction dramatique et un théâtre plus choral. Une tension entre une parole déprise des enjeux concrets de l’intrigue (récitatif) et des champs de force dramatique. Des personnages isolés les uns des autres ne se connaissant pas, pris pourtant dans la même glaise, le même socle (dont la maison abandonnée se fera l’allégorie) comme des sculptures plantées dans le même morceau de roche, inséparables, insécables, allant ensemble et développant peu à peu un chant commun. À la croisée du théâtre et du concert, alternant entre incarnation fictionnelle et distanciation narrative, morceaux rock et dérives sonores électroacoustiques, ma démarche et celle de mes camarades musiciens, cherchent à exprimer la tension contradictoire en ce début du XXIe siècle entre résignation au monde tel qu’il est, existence circulaire et tentative d’émancipation. En mélangeant les langues, nous souhaitons également faire entendre la diversité des manières que nous avons pour nommer le réel, de ce que nous mettons en commun aujourd’hui en Europe au-delà d’un espace économique, quels imaginaires, quelles histoires, quelles nouvelles utopies, et affirmer par là que l’identité n’est jamais chose stable et figée mais s’invente dans les mélanges, les rencontres, toujours en avant, toujours à naître.

Samuel Gallet