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Les Couteaux dans le dos

+ d'infos sur le texte de Pierre Notte
mise en scène Pierre Notte

: Note de mise en scène

par Pierre Notte

Préceptes
Abîmer moins. Au moins ça. Faire mieux les deuils. Vieillir longtemps, et sans ennemi. Abîmer moins, autant que faire se peut. Parvenir (qui sait) à quitter la peur de se regarder en face. Ne perdre ni le Saint ni le dragon, ni le prince ni l’enfant, ni l’ange ni le héros.


Les Couteaux dans le dos, c’est l’explosion du cadre familial, de l’écrin étriqué, nourri de peurs, de tics, de froids. D’abord, il y a la peinture du monde domestique, social, du milieu scolaire, et les murs gris, fissurés. Une cuisine, un lycée, un poste de police, un hôpital. Là, une gamine qui se coupe veut voler comme en éclat. Partir. Les parents surnagent dans leur désastre. Elle, elle s’en va. C’est le parcours initiatique, le destin qui s’ouvre et s’invente, les erreurs, les errements, les mauvaises rencontres. Une autoroute, un sphinx, des trolls, des falaises, la Norvège, l’océan, la peur du vide et les étoiles, les fantômes d’Ibsen ou de Duras. La gamine qui se coupe rencontre un gamin qui se brûle. Elle dit oui à tout, puis dit non, ne sait plus. Fuit toujours. Puis c’est le voyage dans le temps, on arrive après la mort. Et revenir, comprendre que tout peut arriver, et surtout rien. Et que tout tient peut-être dans une main, quand on met la sienne dans celle de l’autre. C’est bête comme la vie. Voilà l’histoire. Des lieux, des mouvements, des actions et des personnages par dizaines. C’est ma pièce impossible, mon Peer Gynt à moi. L’impossible, il faut l’approcher avec humilité et insolence. Un espace nu, noir. Une table qui fera tout ce qui est mort : un bureau, une piscine, un brancard, un abri, un toit, un paysage. Six chaises parce que c’est bien utile pour poser ses fesses dessus. Et cinq louloutes, actrices, jeunettes superbes qui s’emparent de l’épopée, de l’aventure. Elles jouent tout, et dans tous les registres. Tout sur elles repose : l’énergie, le rythme, la puissance, la ferveur, le mouvement. Le personnage crucial, central, de Marie est interprété, presque de manière naturaliste, par une seule comédienne. On y voit ainsi plus clair. Les quatre autres actrices se saisissent du reste : le père, la mère, le gardien de phare, les flics, la directrice, Ophélie, Phèdre, Médée ou Rilke lui-même. Elles passent du réalisme grotesque des situations familiales à l’expressionnisme des scènes épiques. Jeu distancé toujours, nécessairement, presque mécaniquement, avec narratrice et rares accessoires. Il faut que cela soit drôle et simple et vrai. Tout est partout assez triste, compliqué et faux comme ça.On danse alors, on chante,on s’agite, on fuit les procédés tant qu’on peut, on crée la surprise et on ne s’endort pas. On bidouille sur scène comme la pièce raconte qu’on bidouille dans l’existence, avec ce qu’on a et ce qu’on peut. Ce qui compte, c’est le panache, la grâce du mouvement ou l’acceptation affichée de la disgrâce. C’est la conscience du geste, le goût du risque. Parce qu’il y a du danger à vivre quelque chose plutôt que rien. Cela doit être une fête autour d’un feu où l’on enverrait brûler ses vieilles hontes, ses vieilles peurs, ses vieilles peaux. L’ensemble est un écrin modeste où doivent pouvoir se jouer, dans une sorte de farce attendrie, les forces contraires qui nous déterminent et nous constituent, font de nous des amoureux ou des criminels, des fugueurs mélancoliques ou des attardés grossissants, des monstres ou des héros comme tout le monde.

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