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Les Bouches

+ d'infos sur le texte de Valérie Poirier

: Entretien

Questions à Stéphane Guex-Pierre


Pourquoi faire du théâtre ?


J'utilise le théâtre comme un moyen pour aller vers l'humain. Même si c'est éphémère et qu'il ne reste plus rien d'une pièce passée, il y a des rencontres qui se sont faites autour, des dialogues qui se sont crées. Le théâtre m'amène aussi à la formation et aux cours que je donne aux amateurs. Cette expérience m'a aidé à simplifier mon regard sur le théâtre et à le désacraliser. Si j'ai commencé le métier en étant très impliqué politiquement dans mon travail - j'ai notamment travaillé avec André Steiger, Hervé Loichemol et François Rochaix – plus le temps passe et plus je m'intéresse aux histoires simples et aux situations quotidiennes. Je ne pense pas que le théâtre puisse donner des leçons mais il peut aider à évaluer certaines situations. Les spectateurs viennent voir un spectacle vivant par curiosité mais aussi pour l'émotion qui est souvent défendue dans sa forme la plus simple. Les héros ne m'intéressent pas et c'est aussi pour cela que j'aime les textes contemporains.


Quelle est la particularité des pièces contemporaines ?


La difficulté quand on travaille sur des textes contemporains vient du fait qu'il n'y a pas d'écrit sur la pièce. Le metteur en scène n'a pas de bagage, il ne peut pas s'appuyer sur des études. Pour comprendre ce nouveau langage, il doit faire plus confiance à sa spontanéité qu'à son intelligence et c'est justement cette liberté qui me motive. Face à un texte contemporain, le spectateur n'a pas de référence. Il est un peu condamné à ouvrir son univers pour découvrir une nouvelle proposition.Qu'est-ce qui vous a plu dans ce texte ? Au delà du texte, c'est l'univers de Valérie Poirier qui me plaît. C'est la solitude de ces trois femmes qui m'a touché dans les Bouches. Je suis toujours curieux de savoir ce que font les gens quand ils sont seuls et qu'ils ne font rien sur scène mais aussi dans la vie. Ce sont des moments qui me bouleversent et qui me racontent beaucoup de choses. J'aime également laisser des portes ouvertes pour que le public puisse faire son propre film. Plus j'avance dans mon travail et moins je dirige, je fais de plus en plus confiance à l'instinct des comédiens.


Qui sont les personnages des Bouches ?


C'est un huis clos entre trois femmes, Zora, Lili et Félicité, qui vivent dans un hôtel de montagne. Leur enfermement est renforcé par l'isolement géographique et par les conditions météorologiques désastreuses.


L'arrivée d'un homme, Arbaze, est une intrusion de l'extérieur qui n'est pas souhaitée par ces trois femmes. Les Bouches insiste sur la collision entre l'univers de cet homme énigmatique, lisse, presque transparent et celui de ces trois femmes aux personnalités si affirmées. Ce choc les conduira finalement vers une délivrance.


Plus encore que dans mes autres spectacles, j'ai besoin de travailler en immersion. Il ne s'agit pas à proprement parler de développer le jeu psychologique des acteurs - au sens où il ne sera pas introspectif – mais plutôt de retirer de leur incarnation tout ce qui relève de la construction du personnage, pour tendre à un jeu épuré, loin des artifices d'interprétation.


Certes, Marie-Laure Julien n'a plus l'âge de Zora, mais c'est la fraîcheur de sa personne qui sera déterminante. C'est aussi pour elle que le rôle a été écrit, comme celui de Lili l'a été pour Isabelle Migraine. Isabelle est l'actrice de la région qui possède le mieux cet art de parler vrai sur scène. Sa façon d'incarner le texte est proprement sidérante. Anne-Marie Delbart viendra compléter la distribution féminine. J'ai définitivement arrêté mon choix sur elle en me rappelant son extraordinaire composition dans Marie Coquelicot, il y a… 20 ans! La nature et la personnalité d'Anne-Marie sont telles qu'aujourd'hui je n'aurais pas besoin de la pousser sur ce registre de composition. Ce mélange de douceur et d'énergie intense qu'elle porte sont des apports appréciables pour le rôle de Félicité. Il y a aussi à tirer parti de ressemblances morphologiques entre elle et Anne-Laure Julien.


Philippe Morand aura, quant à lui, le redoutable honneur de jouer Arbaze. C'est un rôle difficile, puisqu'il y a très peu d'éléments dans ce texte pour le cerner et y fonder son interprétation, mais Philippe a vu tout de suite quel formidable terrain d'exploration constituait cette partition. Les côtés humains et séducteurs de l'acteur serviront également le rôle.


Pourquoi ce titre ?


Le titre de la pièce, Les Bouches, se réfère d'une part, bien évidemment, à celles des personnages qui rompent le silence et se révèlent à l'arrivée d'Arbaze, et d'autre part au bruit sourd des bouches d'aération d'un tunnel autoroutier à proximité de l'hôtel.


Elles forment un univers sonore qui est un véritable espace métaphorique. La difficulté de traitement réside dans le fait que les lancinantes et récurrentes interventions de ces bouches doivent peser sur le climat ambiant. Le créateur son tentera de faire des bouches de véritables créatures sonores, avec une part active comparable à celle d'un personnage à part entière. Ce délicat travail repose dans la balance entre ce personnage sonore et ceux de chair.


J'orienterai systématiquement le jeu des comédiens vers ce qu'il y a de plus léger, tandis que le son opérera un contrepoint qui dramatisera la situation.


C'est le troisième texte d'une femme que vous montez successivement, pourquoi?


C'est la question de ma vie, j'ai toujours vécu dans un univers féminin et je m'y sens bien.


Propos recueillis par Sophie Eigenmann

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