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Le Rapport Bergier

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mise en scène José Lillo

: Un passé fait d’ombres et de lumières

Extrait de la préface du livre "Les Suisses et les nazis: le rapport Bergier pour tous", Pietro Boschetti

L’historien n’est pas un juge, une Commission n’est pas un tribunal. Il ne sert à rien de condamner les uns, d’absoudre les autres. Ce qu’il faut, c’est savoir et comprendre. Un pays, un peuple, ne peut accomplir son destin et décider de son avenir que s’il est au clair avec son passé, quel que soit celui-ci, fait d’ombres et de lumières. Il doit en assumer toute la responsabilité, non juridique mais historique.


Savoir, ce n’est pas facile. Cela demande patience et humilité devant les réalités que révèlent les sources et qui ne correspondent pas toutes avec la mémoire que nous en avons gardée. Comprendre est encore plus difficile. Il faut s’immerger dans l’air du temps raconté. Les décideurs de l’époque n’ont pas manqué de justifier chacune des mesures qu’ils prenaient, ou leur refus d’en prendre, leur hésitation. Mais leurs explications résistent rarement à l’examen. Il faut lire entre les lignes. Lire la peur, bien compréhensible face au chaos de la guerre et aux menaces graves qui pesaient aussi sur la Suisse ; mais la peur n’est pas de bon conseil. Lire la routine, qui est un moyen de maîtriser la peur. Lire une xénophobie mal dissimulée, surtout un antisémitisme diffus, mal avoué et donc d’autant plus pernicieux. Lire le pragmatisme, qui commande les attitudes au jour le jour. Il a conduit à d’innombrables compromis, et souvent même à des compromissions, que ce livre révèle. Jusqu’où pouvait-on aller trop loin ? Les décideurs politiques et économiques n’ont pas toujours su répondre à cette question ; ils ne l’ont peut-être même pas posée. De toutes façon, il convient de dépasser l’antithèse « collaboration ou résistance » : accepter certaines concessions au régime hitlérien revenait à s’assurer une marge de manœuvre, à préserver des libertés. Il faut lire encore une culture historique alors dominante, imprégnée de rapports étroits et de toutes sortes avec l’Allemagne traditionnelle, mais forgée aussi par des expériences du premier conflit mondial (1914-1918) et des crises qui suivirent : cette culture trompa – elle ne permit pas de voir à temps que les nazis avaient étouffé les traditions et rendu caduque l’expérience. Lire enfin durant toute la guerre, la hantise de ce qui en résulterait ; celle d’un après-guerre dont la perspective, bien entendu, changea au gré des batailles. Il convenait – ce fut d’ailleurs en grande partie réussi – de s’assurer pour cet après-guerre les meilleures chances possibles : politiques, économiques, sociales.


Ces lectures, nous les avons faites. Elles demeurent imparfaites, bien sûr. L’Histoire se prête toujours à plusieurs lectures divergentes. Chaque sensibilité idéologique, mais aussi chaque génération apporte la sienne, qui répond le mieux à son besoin de comprendre.

Jean-François Bergier

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