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: Note d’intention

Le Vol, c’est la conséquence d’un engagement.
Le propre de l’engagement, c’est de créer un lien, de promettre. Alors quand la vie s’est chargée de faire avorter la promesse d’une vie libre, quand l’assaut de l’histoire perturbe à jamais le cours des choses de façon irrémédiable et que l’impuissance est le seul constat, seuls restent les mots.


Arrêtés en plein élan, Elle, disparaît ; Lui, devient un exilé. Qu’est-elle devenue ? Lui, non disparu, mais perdu, que peut-il faire de cet amour, de ce passé ?


L’histoire, la vraie, celle de l’Argentine, n’a pas donné toutes les réponses qui auraient su les apaiser. Alors ce ne sera pas au théâtre de le faire. Voilà pourquoi, Le Vol est une fiction. Cette fiction n’est ni une autobiographie, ni une chronique de la dictature et de ses conséquences : elle est une évocation. Évoquer le silence, le manque. Évoquer l’incertitude, la blessure, l’amour volé ; sans quoi Lui n’aurait pas les pieds dans le présent et le regard dirigé vers le passé. Dire la vie coupée en deux. Rappeler les faits, tels quels. Imaginer les mots qu’ils leur restent à se dire. Suggérer l’envie du corps de l’autre ; et l’impossibilité de se retrouver aujourd’hui. Évoquer le souffle de vie restée en suspend depuis toutes ces années. Une évocation. Rien d’autre.


L’essentiel de ce spectacle, ce sont ces retrouvailles fictives, alors aucun décor ne viendra pallier à l’imaginaire qui, à l’origine, a provoqué l’écriture de la pièce. La théâtralité s’est révélée d’elle-même grâce au travail d’un plasticien, dont l’oeuvre, à l’encre de chine, est projetée au gré de l’évolution des dessins, au présent du plateau. Les acteurs s’y intègrent ou les fuient ; les ignorent ou s’y fondent. Des dessins qui complètent le propos, le nourrissent, sans jamais l’illustrer.
Confronté à la véracité du propos et à sa nécessité, le mouvement du dessinateur (ses gestes, ses traits) viennent corroborer cette volonté de faire du plateau un lieu de vie, où les rapports tendent vers l’autre, comme pour se rapprocher.


Un spectacle où nous donnons une place importante à la lumière ; là où l’ombre parle autant de cet étau de la dictature, de la junte militaire qui ne cesse de hanter la vie des hommes, que celle de la lumière vitale et vivifiante qui nous permet d’aspirer à un autre destin.


Nous avons choisi d’ajouter au texte existant la présence d’une troisième personne. Celle qui, de sa simple présence, convoque le public et suscite la mémoire. Son identité importe peu. C’est de sa bouche que le rappel de la mémoire peut se faire. C’est sa simple présence qui rend l’évocation possible.
Libre, vivante, elle est la voix de l’histoire, la voix du poète, la voix du citoyen. Auteur, héritière ? Peu importe, elle est celle qui prend la parole.
Elle n’est pas un personnage de fiction. Elle est l’évocation, se faisant l’écho de Simone de Beauvoir, de Pablo Neruda… Autant de voix qui se sont élevées un jour pour partager leur regard sur le sens de l’engagement, de la condition humaine. Son travail a été suivi par la chorégraphe Maria Filali qui, par touches discrètes, accompagne son parcours, son maintien, sa droiture. Que chaque geste puisse aider à l’évocation.


Mêler toutes ses voix à celle de Sonia Nemirovsky peut-être parce que le sens de l’engagement est une posture mentale qui va de pair avec celui de la responsabilité et du respect d’autrui. Un état d’esprit non offensif, non agressif, qui entend ‘souffrir avec’, et donner ainsi au récit la valeur de la compassion.

Bertrand Degrémont et Caroline Rochefort

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