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Le Temps nous étreint

Arsène Sélavy ( Mise en scène ) , Lucile Tanoh ( Direction d'acteurs )


: Note d'intention

De l’écriture et de la mise en scène


Le temps nous étreint met en scène les monologues que sept auteurs différents ont écrit pour la compagnie. La plupart ne se connaissent pas, ne se sont jamais vus, ne se sont rien dit. Sept écrits. Sept façons de voir le monde.
A eux trois, Charlotte, Sébastien et Quentin jouent une dizaine de personnages qui deviennent eux-mêmes les narrateurs de leurs histoires.
Le texte croise et mélange les différentes histoires, jusqu’à ce qu’elles s’accordent, qu’elles s’harmonisent les unes avec les autres pour pouvoir les embarquer à bord du même train, et les faire dessiner ensemble les rails de notre création.


Sébastien en lisant Noëlle Renaude, comprit ce que serait le spectacle à travers ces lignes :
"Si on a une seule histoire à raconter elle peut constituer à elle seule une pièce. (...) Par contre, si on a plusieurs histoires à raconter, elles s’ajoutent les unes aux autres et deviennent par là extrêmement lapidaires, rapides, inconséquentes et insufisantes. (...) Il y a des milliers de manières de traiter la narration. La discontinuité narrative vient de la pluralité des histoires : c’est parce que je ne veux pas raconter une histoire." [1]


Sébastien avait ressorti les vieux bobinos d’Une Histoire d’eau de Godard et Truffaut. Nous étions tous fascinés par la narration, l’allure à laquelle tout est dit, cette vivacité et cet enchaînement, les mots qui virevoltent sans compter. Là aussi, c’est le personnage lui-même qui devient narrateur, il revendique son droit de faire toutes les digressions qu’il désire, ne laissant aucun répit au spectateur. Et c’est une vraie joie de se laisser flotter sur ce fleuve de paroles, qui traverse tant de paysages.
Enfin, Sébastien était animé par l’envie de mettre en scène le parler des années 40 ; nous avons regardé des vieux films d’époque. Les vielles bobines d’Arsène tournaient en boucle. Nous entendions la voix de Michel Simon dans Boudu sauvé des eaux, Arletty et Fernandel dans Fric-Frac, la voix de Louis Jouvet dans La Charrette fantôme, celle de Jean Dasté dans L’Atalante et dans Zéro de conduite, celle de Pierre Fresnay dans La Main du diable. Nous regardions les films de Jean Renoir : La Règle du jeu, La Grande illusion, La Bête humaine. Nous entendions les dialogues de Robert Desnos dans Bonsoir Madame, Bonsoir Messieurs, ceux de Jacques Prévert dans Quai des brumes, Le Jour se lève, et Les Enfants du paradis. Nous avons été gagnés par ce désir de redonner à entendre la langue de nos (grands-)parents que nous trouvions soudain si riche, si drôle, si étonnante. Des paroles qui naissent de la matière, de la texture et du son du signifié lui-même, comme ce mot : faffiot, pour dire billet.


Charlotte, de son côté, souhaitait travailler autour d’un objet : la valise. Et son père, décorateur, s’enthousiasmait déjà :
Les valises ! Fascinant ! Des boîtes somme toute, des boîtes... (...) J’en fabrique beaucoup, pour ranger toutes sortes de choses qui peuvent servir un jour. (...) . Au final (drôle d’expression, il n’y a rien de final la dedans, au contraire) les objets qui se trouvent dans une même boîte sont le plus souvent très différents mais… ils se ressemblent et cela d’un point de vue qui me concerne. Ils ont à mon sens une raison d’être ensemble, d’être reliés.


Et puis quand on parle de valise, on pense aussi aux mots-valises, concept vulgarisé par les surréalistes, mis en avant en 1871 par Lewis Carol. C’est la contraction de deux termes, Victor Hugo a parlé de foule et de multitude dans Les Misérables : "Vous trouverez dans ces potins-là une foultitude de raisons pour que je me libertise". Partant de cette idée, Arsène reprend dans le spectacle le célèbre poème de Lewis Caroll : Jabberwocky. Dans le spectacle, la petite Sophie qui se prend pour Alice nous livre d’ailleurs un combat sans merci contre le Jabberwocky, la mort, en cachant sa grand-mère dans une lanterne magique. Arsène restait le plus souvent silencieux, mais sans que personne ne s’en aperçoive, il a commencé à orchestrer tous ses désirs jusqu’à ce qu’ils forment un nuage de papillons multicolores volant dans la même direction. Une fois lâchés, il leur était impossible de faire demi-tour. Depuis, ainsi sortis de leurs cocons et chrysalides, trois acteurs naissent, suent, courent, et se battent... Ils jouent, faisant eux-mêmes les changements de lumières, de sons et de costumes, dépassant leurs limites.


De la scénographie


A l’entrée de notre cave-théâtre, on peut y lire : Tenez bien la rampe rois et lois qui descendez à la cave sans lampe . C’est la note numéro 63 du poème Rrose Sélavy de Robert Desnos. Mais ici, la rampe n’est pas seulement celle des escaliers. C’est aussi celle de la lumière qui éclaire le plateau depuis le sol avec ses feux... Et si on la touche, on se brûle. L’espace de la cave dans lequel le spectacle a été créé, en longueur, arqué, couvert de vieilles briques et de rouille, fut notre premier fourgon. La scène est couverte de bagages ; le théâtre vient de poser ses valises dans le wagon mais il ne les a pas ouvertes. Quand le spectacle commence, tout est là, mais tout se cache. Tout est prêt pour recevoir tous les récits.
La scénographie permet de changer l’espace et le temps à tout moment, notamment à l’aide de panonceaux. Les valises entreposées s’ouvrent à chaque scène, se renversent et laissent jaillir un nouvel espace, une nouvelle lumière. Elles sont comme des cases, comme des cubes. On peut monter dessus. On peut rentrer dedans et en sortir. Il y en a des grandes. Il y en a des petites. Elles s’imbriquent comme les vignettes d’une bande dessinée.


De la musique


Le son, c’est surtout celui de Bertha, la contrebasse, jouée par Edgar, lui même joué par Quentin. Nous utilisons aussi des enregistrements originaux pour emporter le spectateur avec nous dans le fourgon. Des bruits du train, des sifflets, des voix à l’extérieur. Puis parfois, le son sait se taire.....

Notes

[1] Entretien de Noëlle Renaude avec Julie Sermon, cité dans SERMON Julie, «Théâtre et discontinu», Agôn En ligne, Dossiers, N°1 : Interstices, entractes et transitions, Dramaturgies de l’interstice, mis à jour le : 06/05/2009, URL : http://agon.ens-lyon.fr/index.php?id=864

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