Le temps des garçons est mon troisième texte. Il fait suite à Comment le corps est atteint qui interrogeait les formes d’engagement du théâtre et de l’individu face à l’état du monde et à 2010 Médée(s) qui explorait la séparation amoureuse et la relation à l’enfant après la rupture, en convoquant, entre autres, les figures mythiques de Médée et de Jason.

Le temps des garçons évoque aussi la séparation, et la difficulté à reconstruire mais différemment. D’abord du fait d’une plus grande indétermination de la parole qui n’est pas dictée par le texte, mais qui se répartit dans le travail en concertation avec les acteurs. Le lien amoureux devient plus complexe. Là où Médée pouvait confronter les points de vue, cherchant à comprendre et peut-être à déterminer une culpabilité, ici les figures masculines et féminines sont traversées par la même difficulté à vivre l’amour.

Le Temps des garçons se situe après la rupture, après une grande histoire amoureuse, dans ce nouveau temps qui s’ouvre : un temps de reconquête de soi, de son désir, entre nouvelles tentatives amoureuses, et détachement. La narration se construit à rebours du temps, depuis une séparation jusqu’à la première rencontre, traversant aussi le deuil, ce vide laissé par l’absent qu’il faudra remplir pour ne pas perdre le lien à l’autre, à la vie, à l‘amour. Entrent en scène alors de nouveaux visages, de nouvelles histoires, un nouveau temps de l’amour, celui d’une exploration de ses jeux, de ses lois, de ses fonctionnements et dysfonctionnements avec plusieurs partenaires. C’est aussi le temps d’une femme face au temps de l’homme, deux temps qui ont du mal à accorder leur tempo. La figure féminine aspirant à retrouver des étincelles d’éternité, l’homme étant plus à l’écoute de son désir.

L’écriture est elliptique, minimale, évoquant les haïkus par instants, laissant apparaître une histoire trouée, à recomposer, entre paroles du quotidien, poétisation de la souffrance, réflexions intérieures, conversations sur internet… Elle propose une mise en jeu de l’artiste au travail, gourmand et curieux de vivre et de multiplier les expériences de vie qui seront le ferment de son écriture. Comme dans le théâtre de Marivaux qui disséquait le rapport amoureux et ses rouages, ici les figures vivent et analysent les situations, pour en révéler la poésie, l’humour, la profondeur.

Clyde Chabot