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La Mécanique des émotions

+ d'infos sur le texte de Kevin Keiss
mise en scène Eugénie Ravon

: Note d´intention

Au point de départ, il y a une expérience intime : j’ai eu un accident vasculaire cérébral à la naissance de ma fille. Cette expérience entre la vie et la mort, partagée entre la joie la plus intense et l’angoisse la plus terrible a constitué un télescopage émotionnel très puissant et très loin des injonctions classiques de la maternité. Elle est à l’origine de ma recherche.


Elle m’a poussé à m’intéresser plus généralement aux émotions ambivalentes, paradoxales et équivoques qui peuvent nous traverser lors des grandes étapes de notre vie comme les enterrements, les séparations, les deuils. Tous ces événements qui nous façonnent et qui construisent nos identités. Lors de ces moments, on peut ressentir souvent des sentiments intimes contradictoires, aux prises avec notre irrationnel, bien loin des règles morales et sociales. Ces instants de bascule sont le cœur du travail en improvisation avec les acteurs. C’est aussi la matière de départ de l’auteur, Kevin Keiss, qui écrit en va et vient constant avec le plateau.


John Cassavetes disait que « la folie c’est un individu qui n’arrive pas à jouer avec l’orchestre ». Je crois qu’on a tous eu des moments où l’on n’a pas joué avec l’orchestre. Où l’on a pu, pas su, où l’on a été à côté de ce que l’on attendait de nous. Où la durée de nos émotions aussi n’a pas été raccord avec ce qu’on considère comme la norme. Or, il y a des hontes enfantines qui ont duré 5 minutes et qui constituent des carrières artistiques entière, des amours qui ont duré 3 semaines et que l’on emportera jusqu’à son dernier souffle. Et les exemples ne manquent pas : désirer ardemment quelqu’un à l’enterrement d’un proche, ressentir du dégoût pour son enfant à la maternité alors que l’on vous demande de sourire pour la photo, ou encore rompre avec quelqu’un et passer sa vie à l’espionner sur les réseaux sociaux.


Notre dramaturgie s’intéresse à tous ces instants intimes inattendus à rebours des injonctions que l’on lit et entend fréquemment dans l’espace public. Ces injonctions qui lissent et normalisent nos affects pourtant complexes et surprenants. Dans une époque, où l’on peut se sentir presque anesthésié devant nos écrans tant nous sommes sollicités pour nous tirer les larmes, ce spectacle se pense comme un contre programme pour retrouver nos capacités à être ému et s’interroger également sur la manipulation de nos émotions intimes. Pour cela, je souhaite me servir des ressorts du théâtre, lieu par définition de la manipulation des sentiments du spectateur, car au théâtre comme sur les réseaux sociaux, on a un certain plaisir à être manipulateur et à manipuler.


Le récit intime de mon accident vasculaire constitue le point de départ d’une fiction autour de laquelle graviteront des figures intenses aux prises avec leurs émotions ambivalentes. Et dans cette fiction, il y aura, entrelacés, des pas de côté, parfois même des numéros, où l’on s’intéressera à la manipulation de nos émotions, notamment grâce aux outils du théâtre. Les acteurs glisseront donc régulièrement d’un registre à l’autre et cela sera perceptible dans la mise en scène qui pourra nous faire glisser d’une parole frontale et presque documentaire au quatrième mur. C’est une dramaturgie qui passe beaucoup par l’art de l’acteur et les sept acteurs au plateau à mes côtés, sont tous chevronnés et capables de passer d’un registre très intime à une grande puissance de théâtralité, capables aussi de faire affleurer l’humour dans les larmes et la joie dans le tragique. De même dans la scénographie on glissera également : un même lieu, blanc, assez abstrait et transitoire pourra constituer avec très peu d’éléments, un hôpital, puis un labo, puis un sauna. Avec des touches de bleu et d’or, elle pourra aussi, avec presque rien, nous faire basculer dans le rituel du deuil par exemple. Enfin, ces îlots émotionnels dissonants ont besoin de chair et de corps habités, j’ai donc fait appel à Garance Silve, chorégraphe, qui sera là tout au long de la création.

Eugénie Ravon

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