theatre-contemporain.net artcena.fr

Accueil de « La Grande et fabuleuse histoire du commerce »

La Grande et fabuleuse histoire du commerce

+ d'infos sur le texte de Joël Pommerat
mise en scène Joël Pommerat

: Note de l'auteur

Gagnants et perdants unis pour le meilleur et pour le pire.

2 histoires. 2 époques.


Années 60. Années 2000
Dans la première, un jeune homme, inexpérimenté dans la vente rejoint un groupe de 4 vendeurs d’âge mûr. Dans la seconde, quatre hommes d’âges murs, débutants dans le domaine de la vente, reçoivent conseils et encouragement d’un jeune chef.
Je vais essayer de définir ce qui m’a intéressé dans ce projet.
Ceux qui n’ont pas envie qu’on leur explique les motivations d’un auteur (je les comprends) ne doivent pas lire la suite.
Cette pièce était pour moi une façon de parler et de mettre en scène les valeurs, les idéologies, qui orientent et sous-tendent les agissements humains aujourd’hui. Et la confusion de plus en plus impor- tante qui règne en ce domaine. Une façon de montrer comment cette activité du commerce, vendre, acheter, activité au cœur-même de nos sociétés, influence notre manière de nous penser nous-mêmes, notre façon de concevoir ce qu’est un être humain, et nos relations.
Je voulais montrer comment la logique du commerce peut générer du trouble et de la confusion dans nos esprits et particulièrement en ce concerne nos grands principes moraux. Ce qui est passionnant et vertigineux dans le métier de vendeur, c’est que le meilleur des savoir-faire, la meilleure des techniques, pour celui qui l’exerce, c’est l’authenticité. Dans ce métier la meilleure façon de mentir c’est d’être sincère.
Ainsi le bon vendeur doit faire avec ce qu’il y a de meilleur en lui: avec sa vérité, avec ce qu’il «est». On pourrait même dire que sa meilleure «technique» c’est de parvenir à être «lui-même» (contradic- toire et même absurde: personne ne sait exactement ce qu’ «être soi-même» veut dire).
Mais si le vendeur doit plus ou moins abuser l’autre, il doit sans doute, avant tout, se tromper lui-même, pour «construire» cette fameuse authenticité qui est son meilleur atout. Pour être un vendeur vraiment efficace il faut forcément y croire. Dans ce métier fondé sur la relation aux autres, s’il y a une technique, c’est celle de réussir à être sincère ou «vrai» avec les autres, tout en étant plus ou moins «faux». Réussir à «fabriquer» de l’authentique.
Ce paradoxe que connaît l’acteur, devient chez le vendeur une malédiction, car à la différence de l’acteur qui peut repérer aisément les limites entre «scène» et «vie réelle», le vendeur peut se perdre comme dans un labyrinthe. Les frontières peuvent s’effacer peu à peu, en lui et à l’extérieur.
Un jour le vendeur oubliera de retirer son masque après la représentation. Son masque devient peau. Sa pensée aura épousé les nécessités et la logique de son activité de séduction et de conviction. Impossible de distinguer en lui-même et à l’extérieur les limites de l’artifice et du vrai.
Sa relation à autrui se sera désagrégée en même temps que toute possibilité de confiance dans les autres. Confiance: un mot qui aura perdu tout sens, et toute valeur. En montrant ces personnages de vendeurs professionnels, tout en bas de la hiérarchie du système, tels des soldats un peu égarés mais néanmoins convaincus et fidèles, je voulais surtout parler de nous tous, citoyens ordinaires, immergés dans ce monde de faux-semblants et de vraies valeurs détournées et instrumentalisées plus ou moins consciemment.
Certainement abusés nous aussi par la «grande et fabuleuse» confusion de l’histoire. Gagnants et perdants unis pour le meilleur et pour le pire.

Joël Pommerat

imprimer en PDF - Télécharger en PDF

Ces fonctionnalités sont réservées aux abonnés
Déjà abonné, Je me connecte Voir un exemple Je m'abonne

Ces documents sont à votre disposition pour un usage privé.
Si vous souhaitez utiliser des contenus, vous devez prendre contact avec la structure ou l'auteur qui a mis à disposition le document pour en vérifier les conditions d'utilisation.