1913, dans la voie ouverte par le futurisme, Blaise Cendrars écrit un poème qui va révolutionner toute la littérature contemporaine. Une ode à la modernité, à la vie rapide, aux machines. Un poème comme on n’en a jamais écrit et comme on n’en écrira plus. L’année suivante la guerre éclate. Les machines broient les hommes. Blaise Cendrars y perdra le bras droit ; la main qui écrit.
Mais pour lors, c’est d’une autre guerre qu’il s’agit. Nous sommes en 1905, l’année de la première révolution russe et de la guerre avec le Japon sur la rive du pacifique. Blaise, alors âgé de 16 ans, s’embarque sur le transsibérien avec un contrebandier en bijouterie et Jeanne, la petite prostituée française. Le voyage durera plus de trois semaines. Trois semaines où, le poète nous fait partager le sort brutal des habitués du chemin de fer, le jeu des cartes et des paris, la compagnie des bandits de grand-chemin, celle de l'alcool, le jeu de l'amour avec les femmes faciles et jusqu'au délire immense qui s'empare de chacun dans l’exigüité du wagon. Et le train roule inexorablement vers le front d’Est pendant que, en sens inverse, on voit passer les wagons pleins de blessés.

Blaise ne se positionne pas en poète. La vie elle-même est l’expérience poétique ultime. L’acte de création poétique consiste principalement à citer les choses et, ainsi, à faire entrer dans ses vers l’univers qui le dépasse et qui le force. La force poétique de Cendrars repose dans sa capacité à trouver la beauté là où elle gît. Y compris la beauté terrible de la guerre.