: Notes de mise en scène
Créé la première fois en 2001, nous reprenons ce spectacle dix ans plus tard. Le
terme de reprise nʼest pas adapté car nous avons creusé la matière de façon
beaucoup plus intense, moins littéraire que la première fois. La langue de Koltès est
tellement bien faite quʼelle peut être piégeuse pour celui qui la dit. Il sʼagit donc de ne
pas se laisser emporter par la beauté des phrases et des images, ne pas expliquer
ce quʼon raconte aux spectateurs, ne pas vouloir les convaincre dʼune souffrance
complaisante.
Ce que la langue de La Nuit juste avant les forêts indique, cʼest quʼil y a quelque
chose de tordu, de cassé à lʼintérieur de lʼhomme qui parle ; quelque chose qui fait
que, comme la bille dʼun flipper, la pensée ne suit pas un trajet linéaire mais se
cogne à tous les sujets abordés pour la faire rebondir ailleurs. Est-ce lʼalcool ? Est-ce
la folie ? Est-ce lʼaddition de toutes les blessures qui ont marqué sa vie ? Tout cela à
la fois, sans doute. Cʼest dans cette logique explosée que se trouve une clé de la
représentation. Clé également du plaisir du jeu car il faut exercer comme un athlète
cette parole qui passe dʼun sujet à un autre et qui dresse le tableau dʼune humanité
désorientée.
Dix ans plus tard, nous abandonnons lʼabstraction scénographique qui avait pour
cadre une usine abandonnée, sorte de no manʼs land dont on pensait quʼil servait de
cadre idéal à lʼunivers de lʼauteur. Or La Nuit se déroule à la table dʼun café – même
si ce nʼest pas explicitement précisé - dans un cadre intimiste qui seul permet
dʼexplorer tous les registres de jeu et dʼadresse.
On se rappelle alors de toutes ces nuits, de tous ces moments passés dans des lieux
improbables en compagnie de gens qui tout à coup sʼengagent dans une longue
conversation sans que vous ouvriez la bouche. Parmi eux, il y avait peut-être cet
étranger qui nous parle de lʼamour, de la vie, de la fille en chemise de nuit qui
marche sur un quai de métro en gardant les poings serrés. Un homme dont les
fulgurances poétiques nous touchent en plein coeur.
De la douceur, des larmes et la pluie « qui ne met pas à son avantage », façon de
raconter lʼêtre au monde avec une grande pudeur.
Lorenzo Malaguerra
Ces fonctionnalités sont réservées aux abonnés
Déjà abonné,
Je me connecte
–
Voir un exemple
–
Je m'abonne
Ces documents sont à votre disposition pour un usage privé.
Si vous souhaitez utiliser des contenus, vous devez prendre contact avec la structure ou l'auteur qui a mis à disposition le document pour en vérifier les conditions d'utilisation.