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La Nuit des rois

mise en scène Jean-Louis Benoît

: Note du metteur en scène

Une jeune femme sort de la mer. Elle se nomme Viola (ce nom ne sera prononcé qu’à la fin de la pièce). Son frère jumeau vient de se noyer au cours d’un naufrage. Dans le pays de fantaisie où elle échoue elle se travestit en homme, cela sans aucune raison si ce n’est celle, secrète, de faire revivre ce frère aimé. Elle se fait appeler Césario, elle entre au service d’un homme mélancolique éperdument amoureux d’une autre jeune femme, en deuil elle aussi d’un frère, et qui possède les mêmes lettres que son propre nom : Olivia.
Césario tombe amoureux-se de son maître, tandis qu’Olivia s’éprend de Césario-Viola… Une suite de malentendus, de quiproquos et de méprises s’ensuivent nécessairement. Viola retrouve enfin son frère jumeau, vivant. Olivia va le séduire et l’épouser, Viola dévoile à tous sa féminité et est aussitôt aimée et épousée par son maître. Viola est toujours en Césario. On ne la verra jamais remettre sa robe.
Dans ce jeu de doubles et de reflets où l’autre est comme l’écho de vous-même, où la raison et la déraison, la farce et la gravité semblent se répondre, un amour, un seul, pousse la pièce en avant : celui, passionné, de Viola pour son maître Orsino. Seule Viola obtient ce qu’elle veut : Orsino et la « résurrection » de son frère. Si cet amour est si profond c’est certainement parce qu’il est éprouvé par un être androgyne, qu’il est trouble, troublant, tendu entre le féminin et le masculin, entier. Le travesti de Viola n’est pas un mensonge ou une simple commodité pour mener l’action : il reconstitue en toute vérité l’être humain avec ses deux moitiés, féminine et masculine, dans une lutte contre la mort qui lui a volé son double, ce frère jumeau qu’elle veut faire revenir à la vie.
Les personnages de La Nuit des rois sont des êtres égarés au bord de la mer, cette mer cruelle qui s’acharne à séparer les familles et à briser les liens. Hommes et femmes sont comme abandonnés à des forces inconnues, incompréhensibles. Ils ne comprennent pas grand chose à ce qui leur arrive. L’amour lui-même est plein d’erreurs et d’errements. Aveugles souvent, ballottés, capricieux et même cyniques, ils voient ce qui n’est pas et sont ce qu’ils ne sont pas. Tout comme Iago, Viola peut dire : « I am not what I am. »
Dernière comédie lyrique, cette pièce de Shakespeare annonce les inquiétudes, les remises en question, les tons sombres des tragédies. Le quatuor de désoeuvrés, Toby, Andrew, Feste, Maria est donc chargé de chasser la tristesse qui enveloppe l’oeuvre. Chants, danses, débauches, cris et duel s’entrelacent tout le long de la quête amoureuse de Viola.
Les comédies de Shakespeare sont toutes un peu tristes. Le monde étant ce qu’il est, comment ne le seraientelles pas ? Mais cela n’exclut pas le rire et le divertissement. « Il pleut tous les jours ! Le monde est vieux ! » nous chante le bouffon à la fin de la pièce. « Mais heureusement, le théâtre est là ! »
Ces lignes sont écrites à plusieurs mois de la première répétition. Mon spectacle La Nuit des rois est encore à l’état de songe. Je sais qu’il sera musical, chanté et dansé... Que les décors nous feront rapidement aller du bord de la mer aux salons austères d’Olivia et d’Orsino. Qu’il y aura un piano, des rideaux très légers, visibles et invisibles, des personnages en costumes du XVIIème siècle, en conversation basse, feutrée, et d’autres vociférant des obscénités, un bouffon fugueur, vieilli et fatigué d’être encore là, et un homme sombre en perruque au pouvoir menaçant qui est au centre d’une des scènes les plus drôles du théâtre de Shakespeare : Malvolio. Je sais que pour jouer cette pièce menée par des femmes, il faut de grandes actrices : ce sera donc Nathalie Richard qui interprétera Viola, Dominique Valadié le bouffon, et Ninon Brétécher Olivia. Arnaud Décarsin sera Orsino, Jean-Claude Leguay Sir Toby, Jean-Marc Bihour Sir Andrew, Laurent Montel le Capitaine et Antonio, Luc Tremblais Maria et Dominique Compagnon Fabien…

Jean-Louis Benoit

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