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La Mort au coin du bar

mise en scène Thierry Lavat

: Entretien avec Thierry Lavat

par Christophe Lemaire

Quelle est l’histoire de La mort au coin du bar, et quel est ton point de vue sur cette histoire ?


C’est l’histoire de Charles, propriétaire d’un pub dans un quartier populaire de Londres, fréquenté par des naufragés de la vie. Il apprend brutalement la mort de sa femme, ressent un malaise et ne sait pas comment réagir. Il rencontre Lucy, une jeune femme aussi désaxée que lui, qui travaille dans un club et quitte son poste pour venir travailler chez lui. Lorsque son ex-amant et ex-patron revient lui demander des comptes, Lucy le frappe et le tue. Ce passage au meurtre, dont Charles est le témoin silencieux, les unit dans une complicité qui va accélérer leur chute. Pour moi, cette pièce est porteuse d’une vision sociale, celle d’un certain déséquilibre de la société moderne : celui du décalage, du fossé qui se creuse entre la “normalité” et la “marge”, mais dans un style qui ne s’inscrit pas dans une esthétique naturaliste. L’action se situe dans l’Angleterre d’aujourd’hui, et mon parti pris est de conserver cette situation géographique. Cependant, l’universalité du propos élargit le cadre du pub londonien à une certaine vision du monde européen.


La pièce se déroule dans une multitude de lieux. Comment pensez-vous traiter cette question du point de vue de la mise en scène et de la scénographie ?


Il est pour moi impensable avec ce texte de chercher à s’appuyer sur un décor réaliste, qui serait redondant de ce qui est écrit. Je veux travailler sur une suggestion de ces différents espaces, donner au spectateur des repères simple permettant d’identifier chaque lieu de l’action. La pièce est construite comme un scénario : une succession de scènes, pas d’actes, des fins et des débuts de scènes très secs, d’où cette envie de travailler sur l’image vidéo, qui devrait nous permettre de suivre en temps réel les personnages dans leur quête. Décors, costumes et lumières, doivent servir le texte, éclairer le spectateur, être un tremplin pour l’imaginaire du spectateur, en toute confiance quant à son intelligence.


La principale question est peut-être de savoir s’il est nécessaire d’avoir un décor pour ce genre de pièces ?


Pour moi, il n’y a pas de réponse, c’est une question de choix, ceux d’un metteur en scène qui, dans mon cas, veut avant tout faire entendre le texte. De toute façon, je pense que le seul bon décor est celui qui ne se voit pas. Pour ce qui est des costumes, seuls Charles et Lucy seront habillés de façon très réaliste,


Faites-vous un important travail de préparation avant d’aborder les répétitions ?


Oui, toujours sur le texte, d’abord avec mon assistant, puis avec le scénographe et l’éclairagiste. Nous travaillons toutes les images qui nous traversent au long de notre lecture. Nous essayons de répondre à toutes les questions soulevées et ainsi, je construis mon idée, qui finit par être assez précise. De cette façon, quelques jours avant le démarrage des répétitions, j’ai une maquette du spectacle sur le papier. Ce n’est pas réellement un story-board mais toutes les scènes sont représentées sur un coin de cahier. Par contre, je dois être capable d’oublier ce canevas : j’attends des répétitions absolument tout, c’est-à-dire que je garde pour moi ce que j’avais prévu et je pousse les comédiens à créer le spectacle de A à Z. Il va de soi que nos chemins se croiseront, mais je m’impose de repartir de zéro avec les comédiens.


Alors quel est pour vous le rôle du metteur en scène ?


Pour moi, qui suis avant tout comédien, le rôle du metteur en scène est un rôle de l’ombre: je souhaite avoir mis les comédiens suffisamment en confiance pour qu’ils s’approprient totalement le texte et le spectacle, que cela devienne notre objet. Je crois être avant tout un directeur d’acteur, c’est en tout cas ce qui m’intéresse dans ce métier, mais je crois que l’évolution du théâtre fait qu’aujourd’hui un metteur en scène est un peu un homme à tout faire, et je le déplore. J’aime réunir une équipe, mettre sur pied un projet, mais ce qui m’intéresse c’est de valoriser les acteurs. J’essaye de me mettre autant en danger qu’eux, d’être proche au point de parvenir à ce qu’ils respirent comme je le ressens, qu’ils bougent comme je le ressens…


Vous vous installez dans les Ardennes ?


L’idée de l’implantation dans les Ardennes est le fruit d’une volonté collective entre comédiens, scénographe, éclairagiste… Nous souhaitons aujourd’hui nous retrouver à une même table pour travailler. Notre but est de faire du théâtre là où il y en a peu et d’aller à la rencontre d’un public peu habitué à s’y rendre, en proposant parallèlement à la création de spectacles, la mise en place d’ateliers pour les scolaires et les amateurs de la région. Pour l’instant l’implantation se fait en douceur mais j’espère que les autres porteront tous la même base, il suffira de changer un détail pour changer de personnage… la création de La mort au coin du bar et l’éventuelle mise en place de la salle de travail sur Balan nous permettra d’aller à la rencontre des spectateurs et des acteurs de notre région. Dans ce travail d’implantation, je dois dire que je ressens un soutien très fort de la part de la Comédie. Emmanuel a écrit dans un édito qu’un désir l’anime lui et ses collaborateurs: “faire de la Comédie un théâtre que les artistes, d’où qu’ils viennent, puissent appeler de leurs voeux, dans lequel ils veuillent, passionnément, venir travailler.” Eh bien nous avons hâte d’être à la hauteur de ce désir et d’y jouer notre spectacle, qui s’inscrit exactement dans les propos du même édito qui dit : “Un théâtre n’est pas une entreprise comme les autres. Un théâtre ne ‘vend’ que de la vie, des émotions, un choc, de la réflexion.”


Propos recueillis par Christophe Lemaire.

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