Les enfants ont une capacité exceptionnelle à entremêler une réalité subjective et une réalité objective (ou socialement objectivée). Le monde et leur monde ne sont pas deux choses distinctes. En grandissant et vieillissant, nous perdons cette fluidité, des frontières entre les mondes apparaissent et se solidifient. Nous, les adultes, réduisons notre monde intérieur à un petit jardin secret, caché quelque part dans le monde extérieur.

À l’aide de notre panoplie d’images, d’objets et de visions, Old Masters veut offrir aux enfants une pièce de théâtre qui serait la maison de leur esprit. Un refuge, un espace de consolidation, un safe space de leur imaginaire personnel, de leur créativité, de leur faculté à réinventer le monde que nous croyons connaître. Un univers scénique dans lequel chaque vision individuelle peut exister et s’exprimer, et où tous les points de vue concourent à une réalité explosée, colorée, merveilleuse et puissante.

Dans La Maison de mon esprit, quatre personnages étranges accueillent un enfant et lui font visiter le monde dans lequel ils vivent. Ce monde ressemble à un temple, un musée, un rêve, c’est pourtant là qu’il et elle vivent, travaillent et dorment. On y fait des expériences sur des objets, on parle de ces objets et on essaie de faire comme eux, de devenir eux, parce qu’ils sont vraiment magnifiques et justes. Lorsque l’un se met à danser en prétendant imiter un objet, les autres s’y opposent parce que « c’est pas comme ça qu’il fait l’objet ». Des échanges et des actions que provoque ce conflit émerge alors une façon d’être, de se regarder et de se parler où tout devient possible.

Lors de la création de L’impression, nous avons eu l’occasion de présenter notre travail à un groupe d’enfants en marge des représentations et cette expérience nous a beaucoup enthousiasmés. Nous avons proposé à l’un d’eux de revêtir un costume et de visiter quelques instants notre espace de jeu.

Cette idée du « visiteur-spectateur » est très présente dans notre travail. C’est une manière fictionnelle de rompre le quatrième mur qui nous sépare de celles et ceux qui sont venues voir la pièce – le public. Intégrer à la pièce des « regardeurs-acteurs » permet de conscientiser le fait que nous sommes regardés, cela crée un pont entre la scène et le public, sachant que chaque acteur·trice peut à tout moment devenir spectateur·trice. Et cela pose la question: est-ce que le public partie de cette fiction ? Cela nous rapproche et crée une intimité par-delà l’étrangeté de l’univers scénique.

Ainsi, pour que les enfants puissent se projeter dans un personnage, comme le font les adultes dans nos pièces (voir quelqu’un qui voit, observer quelqu’un qui observe, comprendre quelqu’un qui comprend), nous souhaitons intégrer à cette pièce un visiteur, un enfant et l’accompagner avec bienveillance, pour donner davantage de place aux enfants spectateurs. Les choses prennent vie lorsqu’elles sont regardées.

— Old Masters