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La Fin du western (Am Ende des Westerns)


: Entretien avec Monika Gintersdorfer et Knut Klassen

Propos recueillis et traduits par Marion Siéfert

Vous travaillez en duo et venez tous deux d’univers très différents : Monika Gintersdorfer, vous venez de la mise en scène et, vous Knut Klassen, vous êtes plasticien et designer. Comment s’organise votre collaboration ?


Monika Gintersdorfer : Nous ne faisons pas tous les deux la même chose, en effet. Nous avons pour principe que chacun puisse travailler de manière autonome dans son propre champ de recherche. Nous élaborons ensemble le concept de chaque pièce. Dans notre collectif, je me charge de diriger les répétitions, tandis que Knut prend toutes les décisions concernant le matériel ou la scénographie. Nous parlons plutôt de « matériel », car nos pièces ne sont pas des représentations théâtrales, au sens propre du terme. Nous appelons cette pratique scénographique « intervention de matériel », car elle reste indépendante. Notre relation ne correspond pas au traditionnel rapport metteur en scène/scénographe, dans lequel la scénographie doit réagir aux idées de mise en scène et servir ses intérêts. Pour nos spectacles, Knut poursuit des recherches qu’il a entamées voilà des années et je les reçois, sans forcément savoir auparavant ce dont il s’agit. Notre travail est un entrelacs complexe de nos deux approches, ménageant un haut niveau d’autonomie à chacun.


Comment en êtes-vous venus à travailler avec des artistes issus de la Côte d’Ivoire ?


M.G. : Cela a mis un certain temps à se mettre en place. En 2002, alors que je travaillais pour le théâtre institutionnel, nous jouions à Hambourg et j’avais mes soirées libres. Je suis sortie et, un soir, dans un club, j’ai remarqué une personne habillée de façon très originale qui dansait d’une façon qui l’était tout autant. C’était un designer ivoirien. J’ai eu envie de voir la boutique qui était inscrite sur sa carte de visite. En réalité, ce n’était pas une boutique, mais son chez-lui. D’autres personnes sont arrivées, toutes appartenant à la scène ivoirienne de Hambourg. Avec elles, je suis allée dans un night-club où j’ai pu voir le premier show de coupé-décalé réalisé par Tupac le Champagnard. J’ai trouvé tout cela très spectaculaire et ai remarqué que cette vie nocturne ivoirienne abritait des personnalités remarquables. Lors d’un autre show, j’ai rencontré Franck Edmond Yao alias Gadougou la Star, l’un des danseurs de Solo Béton, dont je devais filmer la performance et tout ce qui se passait autour du show pour Tupac le Champagnard. Tous les danseurs de Solo Béton furent envoyés chez le designer ivoirien, afin de trouver des vêtements pour la soirée. Franck Edmond Yao a vu que je filmais : il ne s’est pas contenté d’essayer les habits pour la soirée, mais a dansé dans le magasin, tout en m’expliquant ce qu’il faisait. J’ai trouvé cette forme de représentation assez complexe et j’ai rapidement pensé à l’utiliser dans une de mes performances. En 2005, Franck Edmond Yao a donc réalisé le projet Erobern (Conquérir) avec nous. Puis il a souhaité poursuivre notre collaboration et nous a ainsi fait connaître d’autres personnes. En 2002, je suis partie en Côte d’Ivoire, juste au moment où la rébellion a éclaté. Nous avons donc suivi les événements politiques de très près et avons rencontré d’autres interprètes appartenant au showbiz d’Abidjan.


Au Festival d’Avignon, vous allez présenter trois pièces : Logobi 05, La Fin du western et La Jet Set. Quels liens existe-t-il entre elles ?


M.G. : Je crois que lorsque l’on a vu les trois pièces, on peut comprendre qui sont nos interprètes. Franck Edmond Yao est présent dans toutes et l’on peut observer sa faculté à traiter de questions qui concernent la danse, comme dans Logobi 05 avec Richard Siegal, mais aussi à les mettre en lien avec un contexte social particulier. On apprend également à connaître notre manière de travailler, la façon dont nous cherchons des partenaires qui viennent de contextes très différents, et avec lesquels un dialogue est possible. Par exemple, Richard Siegal peut parler très librement sur scène. Il a une longue expérience qui nourrit ce qu’il nous montre sur le plateau, si bien qu’il met en jeu un matériel à chaque fois différent, alimentant sans cesse la rencontre que les Logobi – puisqu’il y en a plusieurs – mettent en scène.


Dans Logobi 05, le contenu diffère donc d’une représentation à une autre. Est-ce un principe qui vaut pour toutes vos pièces ?


M.G. : C’est en effet une question importante qui se pose pour chacune de nos pièces, de manière différente. Pour Logobi 05, le principe de la représentation repose sur le fait que Franck Edmond Yao et Richard Siegal, les deux protagonistes du spectacle, doivent se montrer des choses différentes d’un soir à l’autre. Logobi 05 est, en ce sens, très représentatif de notre manière de travailler, puisque la pièce interroge ce qu’il est nécessaire de savoir et de maîtriser, afin qu’une véritable rencontre soit possible.


K.K. : C’est également une pièce dans laquelle le texte n’est absolument pas fixé : Richard Siegal tient à ce qu’il soit différent à chaque fois. Cependant, lorsque certaines de nos pièces tournent énormément comme Othello c’est qui, nous ne pouvons plus affirmer que tout se construit dans l’instant, dans l’échange sur le plateau.


M.G. : Pour certaines de nos pièces, cela ne ferait aucun sens de les construire de manière différente à chaque représentation. Par exemple, dans La Fin du western, nous parlons d’une époque très précise : les six mois de crise politique qui sont survenus en 2011 en Côte d’Ivoire, alors que Laurent Gbagbo et Alassane Ouattara revendiquaient tous les deux leur victoire à l’élection présidentielle. Il serait ridicule d’inventer un contenu à chaque fois nouveau, il serait artificiel de dire que la signification que nos interprètes donnent à ces événements change d’une représentation à l’autre. Notre processus de travail nous a plutôt conduits à chercher un mode de représentation adéquat à cette époque de leur vie. Pour Logobi 05, le point de départ est totalement différent puisqu’il obéit au principe de la rencontre : il s’agit de montrer à l’autre des choses qu’on ne lui a jamais montrées.


Quels cadres de travail inventez-vous afin que quelque chose de nouveau puisse surgir à chaque représentation ?


M.G. : Pour chaque représentation de Logobi 05, même si les deux comédiens jouent de nouvelles choses, d’une certaine façon la représentation reste identique d’un soir à l’autre car les principes de base sont fixes. Ils ont toujours la possibilité de mettre de la musique, ils doivent toujours évoluer sur un plateau vide… Même si le contenu de la pièce change, je pense que l’on peut reconnaître Logobi 05 car les principes fondamentaux de la pièce sont conservés : il s’agit toujours d’un équilibre entre le mouvement et la parole.


K.K. : Pour les deux interprètes de la pièce, tout est question de traduction. Lorsque Franck Edmond Yao danse et explique la façon dont on danse en Côte d’Ivoire, Richard Siegal essaie de trouver un équivalent dans son propre contexte et avec son propre vocabulaire. Logobi 05 n’est jamais joué dix fois de suite, mais deux ou trois représentations ont lieu après trois mois de pause, pendant lesquels beaucoup de choses se sont passées ! Ils ne sont donc jamais à cours de nouvelles choses à se montrer et à discuter…


Dans votre manifeste La Langue parlée, vous opposez une « langue active » à une « langue reproductible ». Comment travaillez-vous à ne jamais succomber à la tentation de la répétition ?


M.G. : De façon générale, nous ne devons pas interdire à nos interprètes de se répéter, mais nous devons créer les cadres dans lesquels ils peuvent donner libre cours à leur liberté de parole, tout en faisant en sorte que les choses que nous trouvons importantes soient dites.


K.K. : Souvent, nous allons vers eux avant que la pièce ne commence et leur disons : « Nous voudrions développer cet élément dans telle ou telle direction. Cet argument est fort et doit apparaître. » Il peut aussi arriver que des comédiens comme Eric Parfait Francis Taregue alias Skelly et Hauke Heumann nous surprennent en disant quelque chose qu’ils ont continué à travailler seuls. Les modifications viennent des deux côtés : du côté des comédiens et du nôtre.


Comment vous adaptez-vous au lieu et au contexte dans lequel vous jouez ?


M.G. : Lorsque nous sommes invités en Europe, nous avons affaire la plupart du temps à une situation théâtrale habituelle : nous avons un espace, le public est calme. Les thématiques politiques sont traitées autrement en Europe qu’en Afrique. En Côte d’Ivoire, la situation est plus délicate pour nos interprètes. Ils sont très connus dans leur pays, mais en tant que stars du showbiz et non en tant que personnalités s’exprimant sur des sujets politiques. C’est une réputation qu’ils ne veulent pas gâcher. Cela signifie que nous devons trouver une façon de parler de politique, sans pour autant qu’ils ne se créent des ennemis. Ils y réfléchissent beaucoup, puis nous informent qu’ils ne peuvent pas dire certaines choses sur scène. Au final, ils sont bien plus courageux que prévu. La question du lieu et du contexte de la représentation se pose tout le temps dans notre travail. Elle est même fondamentale.


Pourquoi n’y a-t-il aucune femme parmi vos interprètes ?


M.G. : Il y a parfois des femmes dans nos pièces, mais pas dans celles présentées au Festival d’Avignon. Nos interprètes viennent majoritairement de la scène showbiz qui n’accueille pas beaucoup de femmes. Nous avons essayé de rencontrer des femmes dont le profil nous intéressait, mais nous n’avons pas encore formulé de projet concret, même si nous commençons à travailler avec des Congolaises. L’une d’entre elles est d’ailleurs venue me voir à un festival et m’a demandé de les mettre en scène. L’impulsion venait d’elles et j’ai accepté.


K.K. : Notre façon de travailler n’est pas tributaire de questions de parité. Tout commence par des rencontres. « Logobi » est le nom d’une danse urbaine très pratiquée en Côte d’Ivoire, sur fond de musique électro-africaine.


Quel a été le point de départ de ce projet ?


K.K. : L’histoire de Logobi a débuté par trois jours de répétitions à Kampnagel à Hambourg que nous avons filmées. Puis nous avons monté une partie des rushes afin d’en faire un film destiné à la danse contemporaine. Nous travaillons avec d’incroyables danseurs tels que Gotta Depri et Franck Edmond Yao, mais qui ne sont pas reconnus comme tels en Europe. Avec ce film, Logobi après trois jours, nous avons été invités dans des festivals de danse. De là, est née l’idée de cette série, puisque Logobi 05 est le cinquième du nom, avec d’abord Gotta Depri et Hauke Heumann, puis les chorégraphes Gudrun Lange, Laurent Chétouane et Jochen Roller qui sont venus se greffer au projet. De cette façon, nous avons pu intégrer ce milieu très fermé qu’est celui de la danse contemporaine en Allemagne.


M.G. : La thèse de Gotta Depri concernant la danse contemporaine européenne était également l’une des raisons pour lesquelles nous tenions à faire l’expérience de Logobi. Elle tenait en ces mots : « C’est comme ça. Les Africains dansent beaucoup mieux que les Européens. Mais les Européens ne sont pas bêtes. Ils ont inventé un système de danse dans lequel on se fiche totalement de voir si tu danses bien ou mal. On peut se rouler par terre comme si l’on était malade ou handicapé, peu importe. Tu dois simplement dire que “c’est concept”, que tu le comprennes ou pas. Et les Européens sont allés en Afrique, là où les gens dansent si bien, et ont essayé de leur apprendre ce concept du mauvais danseur. Les Africains ne comprennent pas pourquoi ils doivent danser ainsi, mais ils font semblant de comprendre. Ils bluffent, car ils veulent simplement obtenir un visa et gagner de l’argent dans des festivals internationaux. C’est ainsi que les Européens ont réussi à s’imposer, une fois de plus, dans un domaine où ils n’y connaissent rien. C’est ça le truc. ». Avec cette thèse, Gotta Depri a touché au coeur la danse contemporaine : il a formulé une sorte d’accusation à son égard et nous avons, en quelque sorte, organisé un droit de réponse, du moins une confrontation.


Quelle a été l’impulsion de La Fin du western ? La pièce est-elle une réaction à la crise ivoirienne de 2010-2011 ?


K.K. : Les thèmes de cette pièce ont trouvé un ancrage très concret dans notre vie quotidienne. Nos interprètes ivoiriens étaient très touchés par la crise. Ils ne pouvaient pas même envoyer d’argent à Abidjan, la plupart étant en Europe au moment des événements. Ils n’arrêtaient pas d’en parler. D’autres étaient à Abidjan au moment des combats. Cela allait de soi que nous devions faire une pièce sur cette crise.


M.G. : La création de cette pièce remonte à quelques années à présent. À l’époque, nos interprètes avaient des opinions très différentes les uns des autres. Maintenant, le thème n’est plus aussi brûlant qu’avant. Mais à chaque fois que nous rejouons cette pièce, les discussions vont bon train.


Comment avez-vous répété et construit une dramaturgie ? Comment les textes ont-ils été produits ?


M.G. : Nous savons souvent à l’avance quelles seront les réactions de nos interprètes par rapport à nos propositions, ce qui leur importera, ce qui les amusera de dire devant le public. Contrairement à Gotta Depri, Franck Edmond Yao n’est pas très décidé sur le plan politique et préfère affirmer l’absurdité de la situation. « La double démocratie, dit-il, c’est ce qu’il y a de mieux pour un pays car chacun est représenté. » Il ne veut pas prendre directement parti pour Laurent Gbagbo ou pour Alassane Ouattara. Skelly a, quant à lui, la liberté de déjouer totalement les propos de Gotta, qui attaquaient l’intervention militaire et diplomatique des Français dans la crise. Skelly peut alors entrer en scène et s’écrier : « Bravo les Français ! » Il déteste lorsque la pièce sombre dans l’unilatéralité. Il préfère mettre un peu de désordre et d’incertitude dans ce qui est tenu pour acquis.


Dans La Fin du western, les corps incarnent des thèses politiques. Pour sa conception, vous êtes-vous plutôt appuyés sur le corps ou sur la politique ?


M.G. : Nous avions déjà expérimenté le rapport du corps à la politique dans un précédent spectacle intitulé Très très fort. Cette pièce partait de l’indépendance de la Côte d’Ivoire pour aller jusqu’à la préparation des élections de 2010, qui furent perpétuellement reportées et recommencées. À l’occasion de ce travail, nous avons remarqué qu’à chaque situation politique correspondait une traduction physique. En Côte d’Ivoire, la propagande et la danse sont intimement liées, imbriquées, et nous offrent ainsi un réservoir de mouvements inépuisable. Les gens semblent comme programmés à répéter certains slogans ou bien à répondre par des pas de danse. Aussi, lorsque nous avons décidé de mettre en scène le double commando de Laurent Gbagbo et d’Alassane Ouattara, avons-nous cherché une transposition physique de la difficulté des Ivoiriens à supporter deux présidents, deux commandements opposés.


K.K. : Nous ne voulions pas représenter la Côte d’Ivoire en Allemagne comme un pays à problèmes, mais plutôt comme l’inventeur d’une nouvelle forme de démocratie. Ce concept de « double démocratie » est également une façon de permettre qu’un dialogue s’établisse avec le public sur un sujet aussi délicat que celui de la démocratie.


Le mouvement « la Jet Set », dont s’inspire votre spectacle éponyme, repose sur un groupe de sept hommes. Quels sont leurs codes ?


M.G. : C’est, en effet, un groupe de sept hommes qui n’accepte pas de nouveaux venus. Ce sont des membres de la diaspora ivoirienne à Paris, qui aimaient à l’origine se montrer dans les boîtes de nuit avec de nouveaux styles de danses. À l’époque, Franck Edmond Yao travaillait avec eux comme chorégraphe et danseur. La Jet Set avait besoin d’un support musical pour pouvoir imposer son mouvement. Les danseurs se sont alors alliés avec un nouveau type de musique créée en Côte d’Ivoire : l’atalakou, l’art de chanter des louanges sur des beats électroniques. La Jet Set et son entourage, en collaboration avec des musiciens à Abidjan comme DJ Jacob, Ericson le Zoulou et Skelly – qui en fait aujourd’hui partie –, ont ainsi inventé le coupé-décalé. La Jet Set est devenue célèbre principalement grâce à Douk Saga, qui a créé de nombreux slogans et qui a introduit certains codes dans la façon de se comporter (comme le mouvement « Fouka Fouka » par exemple) et de s’habiller.


K.K. : Pour eux, être conscient de son style ne veut pas dire faire des choses élaborées ou belles. Ils peuvent adopter un comportement idiot, absurde, insolent ou fou. Il s’agit, en fait, de rompre avec les codes habituels et d’imposer une attitude nouvelle, une manière de danser particulière en club, etc.


M.G. : Les membres de la Jet Set se différencient largement les uns des autres. Tous ont de fortes personnalités. Ils ne savent ni particulièrement bien chanter, ni particulièrement bien danser. Leur singularité ne dépend pas d’une quelconque aptitude, mais tient plutôt à une sorte d’arrogance, à certains slogans qu’ils ne cessent de répéter afin de se faire remarquer, à des mouvements totalement fous qu’ils inventent. Ils achètent leurs habits généralement dans des magasins de femmes parce qu’ils les veulent très près du corps et pourvus de couleurs très vives.


K.K. : Lors d’une représentation de La Jet Set, Franck Edmond Yao a dansé devant une Japonaise et lui a glissé des dollars dans la chemise. Personne ne se permettrait d’être aussi touchy que cela, mais c’est justement le but de la Jet Set que d’enfreindre ces frontières pendant le show et d’être totalement indécent.


Justement, comment le glamour se mêle-t-il à la politique et à la crise en Côte d’Ivoire ?


M.G. : Le message politique du coupé-decalé consiste à s’afficher comme apolitique. Pour ses tenants, il est important de rassembler les gens dans les clubs et de leur faire oublier les clivages qui existent dans la population. Leur philosophie est la suivante : dans la vie nocturne, tu montres ton autre nature, c’est-à-dire ta capacité à frimer par exemple. Pendant les événements de 2010-2011, les gens s’enfermaient dans les clubs et faisaient la fête jusqu’au petit matin, c’est-à-dire jusqu’au lever du couvre-feu. C’était une manière de résister, de ne pas vouloir se priver de cette joie de la fête, parce que le pays subissait la guerre civile. La Côte d’Ivoire ne voulait pas devenir un pays en guerre. Le coupé-decalé proposait quelque chose de différent : être le plus cool, se donner des noms provenant d’un univers glamour. Les danseurs et les chanteurs ont quand même eu une importance politique, car ils se sont justement entêtés à se comporter de manière radicalement apolitique.


Pour un public européen, les membres de La Jet Set enfreignent de nombreuses règles, notamment celle de ne pas demander de l’argent au public, qui a déjà payé sa place. Comment réagissent vos interprètes à la mentalité européenne, très différente de celle de la Côte d’Ivoire ?


K.K. : Dans La Jet Set, lorsque Franck Edmond Yao demande au public de lui donner de l’argent c’est souvent, dans un premier temps, très difficile à croire pour le public européen. Il pense d’abord qu’il s’agit d’un effet de mise en scène, que le danseur ne réclame pas vraiment d’argent.


M.G. : Je crois que si l’on veut vraiment comprendre ce qu’est le coupé-decalé, ce qu’est l’univers de la Jet Set, on doit se rendre compte que les gens, là-bas, donnent leur argent, même s’ils ne savent pas avec quoi ils vont payer leur loyer. Les gens en Europe sont extrêmement prudents avec leurs économies et ne peuvent pas s’imaginer que donner son argent peut être un moment très agréable, voire jouissif, car c’est un moment où l’on se montre. L’écart entre les mentalités européenne et ivoirienne est tel que nous trouvions intéressant d’insister sur ce point.

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