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La Bancale se balance

mise en scène Antonio Arena

: Notes du metteur en scène

La B(i)aiseuse de mort

« Dans le même lit où à sa naissance elle avait failli mourir - le cordon mal attaché elle se vidait de l'intérieur -, la découverte du premier émoi solitaire l'a rattachée à la vie. Désormais, elle sait que s'adonner aux plaisirs charnels, l'absoudra d'être la petite Bancale, la pas aimée, la laissée-pour-compte. Le sexe était son sauveur, elle en fera une religion. Alors, lorsqu'elle sera "assassinée" par une passion de jeunesse, c'est naturellement devant le dieu Eros qu'elle s'agenouillera afin de ressusciter. Peu lui intéressent les considérations d'autrui, de "ceux qui font la pluie et le beau temps dans ta culotte". La jouissance la protégera contre l'enfermement et le désespoir. C'est pourquoi elle biaisera avec la mort. De parking en salle obscure de cinéma, de hall de gare en hôtels de passes, de forêts en plages désertes, le corps couvert de mains anonymes, elle croira rechercher toujours le même homme, son assassin. Mais dans cette quête voluptueuse et suicidaire, elle parviendra finalement à se trouver elle-même : une enfant sensuelle devenue femme libre, qui conjure la mort de l'âme "en souriant aux anges". Sans convention théâtrale apparente - juste un récit à la troisième personne -, ce texte s'offre à nous au cours d'une soirée singulière où la scène tient lieu, comme jadis, d'autel sacrificiel.
Une femme parle, nous parle. Elle s'expose, s'exhibe. Sa poésie est haletante, brûlante, rythmée. Strip-tease de blessures anciennes, jusque-là indicibles, afin de nous montrer un coeur à nu, écorché à jamais. Fascination aussi du mal, du péché, du monstrueux en soi. Vécus réels, fantasmes fétichistes, obsessions sexuelles ? Qu'importe. C'est par ces vertiges insondables du corps et de l'esprit que la Bancale devient Reine de théâtre, héroïne à l'antique. Car au fond de cette dénudation impudique à laquelle nous assistons, les interrogations tragiques de toujours demeurent : qu'est-ce que vouloir mourir d'amour ? qu'est-ce que l'aveuglement de la passion ? la violence du désir ? Le fameux "Toi c'est moi Moi c'est toi" de la fusion parfaite, qu'est-ce sinon la confrontation avec l'autre, la traversée du miroir, pour essayer de répondre au qui suis-je ? au que suis-je ?
Puis, il y a aussi de la rébellion chez la Bancale. Une volonté de braver l'ordre établi, les interdits, pour, telle un Dom Juan au féminin, sauvegarder l'instinct de liberté, et l'énergie vitale de l'être humain face au destin que l'on veut bien lui imposer.
Mais la comparaison avec son alter ego masculin s'arrête là. La Bancale ne descendra pas aux enfers tirée par la main d'un Commandeur moralisateur ; au contraire, c'est dans une délicieuse torpeur et dans une jouissance sublimée qu'elle sera transfigurée. En effet, dans ce territoire de femme prodigue tout appelle aussi au mysticisme de la chair : renaissance, délivrance, résurrection. Par ces mots, toutes les expériences sexuelles, parfois douloureuses, qui sont évoquées, deviennent autant de stations d'un extravagant chemin de croix qui mène à la connaissance et à l'acceptation de soi.
Et à Louise Doutreligne de transformer, par une étrange alchimie, le mal en bien et de libérer sa créature du poids de la faute et du mea-culpa tout en donnant à l'érotisme ses lettres de noblesse.
C'est que par La Bancale se balance, l'auteur ne nous dévoile pas des secrets d'alcôve torrides, mais fait acte d'humanisme. Elle exhorte à assumer le corps, l'amour fou, la vie. Immoler des tabous. C'est en cela que ce texte est incendiaire. »

Antonio Arena

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