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L'Art de la Comédie

+ d'infos sur le texte de Eduardo De Filippo traduit par Huguette Hatem
mise en scène Marie Vayssière

: Présentation

En 1965, à la création de L'Art de la Comédie, on accusa Eduardo De Filippo d'outrager l'État ! C'est que, avec une belle ironie, une grande adresse et une limpidité joyeuse, il proposait une critique radicale du pouvoir et de ses relations avec la société, artistes compris. En imaginant, il y a quarante ans, la rencontre entre le directeur d'une troupe de théâtre et un préfet fraîchement nommé dans un quelconque chef-lieu de province, Eduardo De Filippo soulevait déjà de drôles de questions... Elles restent aujourd'hui d'une brûlante actualité en des temps où s'impose une vision mercantile de l'art en général, du théâtre en particulier. Mais Eduardo De Filippo, s'il vivait encore, s'amuserait fort qu'on le prenne sans rire pour un auteur engagé. Son œuvre est toute d'aventure, « une corde folle » comme Strehler aimait la qualifier, d'une vibration particulière, irrégulière, sur laquelle De Filippo lui-même ne réussit jamais à faire le point. En dépit des apparences, loin de la simple représentation « pirandellienne » du « théâtre dans le théâtre », Eduardo De Filippo dans chacune de ses œuvres dit et redit probablement l'essentiel : le théâtre, c'est le désir de déjouer, tromper la mort.


Marie Vayssière




L'Art de la comédie


Eduardo De Filippo a traversé toute l'histoire du théâtre, tous les genres, toutes les façons de jouer depuis sa première apparition sur les planches à l'âge de quatre ans jusqu'à sa disparition à l'âge de quatre-vingt-quatre ans. Il fut vraiment un témoin réveillé du vingtième siècle. Il a écrit, mis en scène et interprété (c'était un acteur extraordinaire) un nombre impressionnant de pièces. Cependant, son théâtre reste peu connu en France. Il est, et c'est ce qui m'intéresse, à la fois un auteur classique et un véritable inventeur, un aventurier du théâtre. Se saisir d'une de ses œuvres, c'est se poser immanquablement la question des formes contemporaines dans leurs rapports à la tradition. Son œuvre si liée à sa culture s'interroge continuellement sur l'évolution du monde. Tout son théâtre, où règnent en maîtres l'ironie et le rire, est une réflexion sur la société et sur la fonction de l'artiste et du théâtre dans la cité. La pièce L'Art de la comédie fut écrite en 1964, puis remaniée plusieurs fois par l'auteur.
Dans la première partie du texte, Eduardo de Filippo imagine la rencontre entre le directeur d'une troupe de théâtre et un préfet fraîchement nommé dans un quelconque chef-lieu de province. Il en profite pour louer le rôle de l'artiste tout en soulignant sans compromis ni concession les difficultés de ses rapports avec le pouvoir... Les problèmes soulevés, il y a quarante ans, par Eduardo De Filippo restent, aujourd'hui plus que jamais, d'une brûlante actualité, en des temps où s'impose une vision toute mercantile de l'art en général, du théâtre en particulier. C'est une conversation bien ficelée qui traite d'une réalité proche de la nôtre, avec son lot de questions qui nous encombrent ici, là, maintenant. Dans la seconde partie, une sorte de comédie du malheur se met en place.
Le préfet devenu méfiant, soupçonneux quant à la réalité qu'il croit truquée par le directeur de la troupe, finira par devenir fou. La mort, les morts sont sans cesse présents. Les jeux de va et vient entre « vrais morts » et « faux acteurs » emportent jusqu'au vertige. L'auteur nous engage à penser la nature même du théâtre comme une incessante farce tragique où la nature trouble du comédien se complexifie et s'épuise dans la coexistence des interprétations et où rien, jamais rien n'est résolu. Cette mécanique de la transgression, de la rupture, nous éloigne de la simple représentation « pirandellienne » du « théâtre dans le théâtre ». Eduardo De Filippo, avec cette œuvre, dit là l'essentiel : le théâtre, c'est le désir de tromper la mort. L'Art de la comédie invite à une certaine démesure. Cette démesure, Eduardo De Filippo la tire du fantastique, du surréel, de la métaphysique, sans diminuer en rien son rapport au réel, sans réduire la portée de son engagement social et politique. Vaste champ d'incertitudes, ce théâtre semble osciller sans cesse sur sa base (sans doute parce que le monde est tremblant), mais jamais dans ses principes. Il y a une très jolie phrase dans L'Art de la comédie qu'Eduardo de Filippo fait dire au directeur de la troupe, Oreste Campese : « Quand je me colle la moustache de Macbeth - je joue toujours Macbeth avec une moustache - combien de fois ne l'ai-je pas collée un peu de travers exprès ! Car au théâtre, la parfaite vérité, c'est et ce sera toujours la parfaite fiction ». Bref, sur le plateau, comme pour le reste, tout sera sans doute un peu de travers, de biais, de côté... Comme la moustache de Macbeth...


Marie Vayssière

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