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L'Homosexuel ou la difficulté de s'exprimer

+ d'infos sur le texte de  Copi
mise en scène Thibaud Croisy

: Verbartim

Par Thibaud Croisy

Ce qui est passionnant pour moi, avec Copi, c’est qu’il regarde l’homosexualité à travers le prisme de la marginalité. C’est-à-dire que dans son théâtre, mais aussi dans ses récits, l’homosexuel est toujours un être à part, nomade, sans patrie, sans origine ni destination, toujours un peu étranger au monde ou en tout cas toujours un peu en dehors de celui dans lequel les autres vivent. Et sa monstruosité traduit précisément cet écart qui existe entre lui et les autres. Il y a donc un « monde de l’homosexualité » chez Copi et y entrer, c’est faire un voyage aussi pittoresque que celui qui consiste à s’aventurer dans le monde des bas-fonds, de la pègre, des sociétés secrètes ou dans le puits sans fin d’Alice au pays des merveilles. Il y a des bonnes et des mauvaises surprises...
À la création de la pièce en 1971, au Théâtre de la Cité internationale, je pense que cette marginalité-là était exacerbée : d’une part, en raison du statut de l’homosexualité et du « tabou » qu’elle pouvait encore représenter au théâtre ; d’autre part, en raison de la mise en scène de Jorge Lavelli qui avait lieu dans la Resserre – un espace inexploré qui n’était pas encore la salle de théâtre que l’on connaît mais un grenier un peu lugubre, brut, obscur, qui dégageait cette atmosphère underground que l’on aimait alors.
Entre 1971 et 2022, les choses ont bien changé – à la fois pour l’homosexualité mais aussi pour les marges – et l’homosexuel est passé du statut d’individu « à part » à celui d’individu « comme les autres ».
En ce qui me concerne, l’époque dans laquelle je suis me donne précisément envie de faire le chemin inverse, c’est-à- dire de reconnecter l’homosexuel – en tant qu’identité certes, mais surtout en tant que figure, personnage, fiction – à cette marginalité qu’exaltait Copi et à cette monstruosité au-delà de toute morale et de toute revendication. En fait, la mise en scène ne consiste pas systématiquement à choisir un texte et à y apporter un « éclairage contemporain » – je crois que les textes s’éclairent très bien tout seuls... Non, l’endroit à partir duquel le geste de la mise en scène devient pour moi intéressant, voire magique, c’est quand on réussit à trouver le texte du passé qui apporte une réplique cinglante au présent, qui le bouscule, le scandalise, le désarçonne, s’en moque, et prenne aussi d’autres colorations à son contact.
C’est toujours réjouissant d’assister à cette revanche de l’histoire, des morts sur les vivants, et de s’apercevoir qu’une critique à notre égard avait été formulée cinquante ans plus tôt par des gens qui ne sont même plus là mais qui doivent bien rire de ce que nous sommes devenus !
C’est ce face-à-face que j’ai voulu produire en montant cette pièce et l’ironie de l’histoire veut maintenant que nous la jouions dans le théâtre même où elle a été créée pour la première fois. Un peu comme si les corps avaient changé mais que les mots, eux, avaient fait du sur-place.

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